Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 91.djvu/952

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que nous sachions, quitté l’Elysée, le sénat est toujours au Luxembourg, le gouvernement n’a pas cessé de disposer de l’administration, de la force, du budget et des gendarmes. Tout est à sa place ou paraît y être aujourd’hui comme hier. Que cette élection du 27 janvier, qui strictement ne change rien, qui n’est qu’un incident de plus, ait néanmoins, puisqu’on l’a voulu, toute la valeur d’un symptôme, c’est bien évident; qu’elle soit une expression nouvelle et singulièrement frappante d’un mouvement d’opinion qui ne cesse de s’étendre, qui va du nord au sud et a fini par gagner Paris lui-même, la ville des agitations et des révolutions, c’est encore plus clair : c’est même la seule chose claire dans ce coup de scrutin du 27 janvier. Oui, assurément, l’opposition a grandi en France dans la mesure même où s’est accentuée la politique qui règne depuis quelques années. Les esprits se sont aigris ; les mécontentemens, les irritations, les doutes, les mécomptes se sont accrus, envenimés, et toutes ces impatiences, ces révoltes coalisées aveuglément, sans réflexion, ont fini par se concentrer sur un nom, — le nom du premier venu. C’est certain, c’est en même temps redoutable; mais c’est précisément parce qu’il en est ainsi qu’il y a une véritable puérilité à se figurer qu’on va dompter ce mouvement ou ramener l’opinion fatiguée et déçue avec de petits artifices, de petites combinaisons de scrutin, ou avec des violences nouvelles, des menaces d’épuration, — même avec un petit changement ministériel mettant à la place de l’obscur M. Ferrouillat l’obscur M. Guyot-Dessaigne. C’est pourtant tout ce qu’on a fait, c’est tout ce qu’on a découvert de plus utile depuis quelques jours pour combattre la fortune grandissante du dernier élu de Paris.

On a commencé par une sorte d’effarement au lendemain de cette étrange élection du 27 janvier. On a essayé bientôt de se ressaisir; on s’est mis à chercher les moyens, non pas de satisfaire et de rassurer l’opinion, mais de la surprendre ou de la de jouer par une réforme de scrutin destinée à changer l’échiquier électoral, par les procédés perfectionnés d’un radicalisme tacticien. M. le président du conseil, qui ne fait rien comme les autres, qui n’est jamais plus superbe que lorsqu’il ne sait plus où il va, M. le président du conseil Floquet s’est chargé de la besogne. Il n’a trouvé rien de mieux que de se tracer un programme où il mêle un peu tout, le scrutin d’arrondissement, imaginé pour déconcerter les manifestations plébiscitaires, et la révision constitutionnelle, qui répond à tous les vœux de M. le général Boulanger, les complaisances pour les radicaux et la menace de lois répressives, même d’une aggravation du code pénal. C’est ce qu’il appelle pour le moment sa politique. M. le président du conseil a déjà livré son premier combat au Palais-Bourbon pour le scrutin d’arrondissement, et il a enlevé le succès au pas de charge, d’autant plus