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en 1887, cent quatre-vingt-dix élèves, dont cinq ou six protestans. L’enseignement est donné par cinq frères, d’après le même programme et avec les mêmes livres que dans les écoles de France ; la seule différence est qu’on enseigne aussi l’anglais ; et, dans la division supérieure, la classe se fait en anglais le matin et en français le soir. Les parens demandent les premiers que leurs enfans sachent les deux langues. Encore à Jersey la colonie française, quoique généralement pauvre, est-elle assez nombreuse pour que quelques dons généreux permettent à ces écoles de vivre pauvrement ; mais à Guernesey, il n’en est pas de même, et un Français a le cœur serré en visitant l’espèce de hangar dans lequel, à côté de la chapelle française, des sœurs de la congrégation de Paramé ont réuni une centaine de petites filles ; ce sont les enfans de familles françaises ou de familles mixtes (Français et Anglais, etc.). Et à Guernesey, le milieu est tellement anglais que, pendant les récréations, les sœurs sont plus d’une fois forcées d’intervenir pour empêcher ces enfans de parler anglais entre elles. Ces écoles congréganistes de Jersey et de Guernesey sont, en un sens, les seules institutions françaises nationales des îles normandes, les seuls endroits où l’on parle aux enfans français de leur patrie française, les seules digues qui les défendent contre l’anglicisation. À ce titre, elles mériteraient d’être aidées par la métropole ; mais aux yeux de la métropole, elles ont un grand tort, celui d’être « cléricales!.. »

Les Français dont nous avons donné le chiffre sont ceux qui résident, sont connus, et pour la plupart sont immatriculés au consulat français de Jersey et à l’agence consulaire de Guernesey. C’est une population laborieuse et honnête qui fait peu parler d’elle. Mais à côté d’elle il y a dans les deux villes une population flot- tante française dont on a pu dire que les déserteurs en forment la partie la plus honorable. Ce sont, en général, de ces gens qui, suivant l’expression d’un poète anglais, « ont quitté leur pays pour le bien de leur pays. » La belle saison, la saison des bains de mer, amène en outre des côtes voisines de France un escadron volant de Françaises qui n’appartiennent à aucune société de tempérance, et qui sont tout le contraire de rosières. D’après un article de journal que nous avons lu à Jersey, ce serait même une immigration régulière : — il eût été plus exact de dire une migration, terme appliqué au retour périodique et à l’instinct passionnel de certains oiseaux. Ce sont ces Français — Et ces Françaises — qui fournissent un contingent trop nombreux à la police correctionnelle, et les journaux du pays, dans leur bulletin des tribunaux, ne manquent jamais d’ajouter ; un tel. Français ; une telle. Française !..