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de la population à Jersey[1] ; mais, quoique les sectes protestantes soient nombreuses, aucune propagande n’a encore été faite pour le désétablissement. Après l’anglicanisme, le méthodisme wesleyen, qui s’est implanté dans les îles à la fin du XVIIIe siècle et qui a profité du vieux levain laissé par le calvinisme, occupe la place la plus importante ; il a à Jersey vingt-quatre chapelles, dont dix-neuf françaises et cinq anglaises. Dans les chapelles des indépendans, le service se fait généralement en français ; il y a aussi deux chapelles évangéliques françaises, et plusieurs autres sectes protestantes font leur culte en anglais. Le catholicisme n’est guère représenté que par des Français et des Irlandais ; on prêche en français dans une église de Saint-Hélier et dans deux chapelles de la campagne, et en anglais dans une église de Saint-Hélier. Une cathédrale catholique est en construction à Saint-Hélier.

Il en est à peu près de même à Guernesey[2], si ce n’est que le français y tient encore moins de place. Parmi les églises anglicanes de Saint-Pierre-Port, une seule a un service en français. Dans les églises de campagne, anglicanes et dissidentes, on fait alterner les deux langues. Les catholiques ont à Saint-Pierre-Port une église de langue anglaise et une autre moins importante de langue française.

Les sectes dissidentes se sont fait une grande place dans les îles, et le Français de passage qui entre, par exemple, dans une église méthodiste, n’est pas peu surpris de voir fleurir dans des pays de langue française des systèmes religieux qui lui semblent si peu d’accord avec le génie français ; il se sent froid à l’âme, sans que sa raison soit plus éclairée. Cet esprit sévère et sombre a fini par détruire les fêtes, les jeux, les danses, les divertissemens qui, pendant de longs siècles, ont été la gaîté de la vie dans les campagnes. Au XVIe siècle, on voit à plusieurs reprises la cour royale de Guernesey

  1. « Une bonne moitié de la population de l’île de Jersey est non conformiste, » dit M. M. Lelièvre dans le Bulletin de la Soc. du protest, français de 1885, p. 109. — Un haut fonctionnaire de Saint-Hélier nous disait : « l’église établie est certainement en minorité : les méthodistes wesleyens représentent à peu près la moitié de la population et les catholiques romains un dixième ; et il existe, en outre, de nombreuses sectes. » — D’autre part, le révérend Luce, recteur de Sainte-Marie, nous écrit à ce sujet : « L’église établie n’est pas en minorité. Le nombre des dissidens proprement dits est peu élevé ; mais un grand nombre de gens sont anglicans de nom, et fréquentent tantôt le culte anglican, tantôt le culte dissident. Je puis prendre cette paroisse comme un exemple des autres. Il y a eu trente naissances pendant l’année 1887 ; vingt et un enfans ont été baptisés à l’église (anglicane) ; les autres sont dissidens, catholiques-romains ou rien. »
  2. Sur Guernesey, M. Henri Boland, qui y rédige le journal le Bailliage, nous écrit : « L’église établie et les non-conformistes (ou dissidens) se partagent le pays en nombre à peu près égaux ; mais ces derniers ont le plus grand nombre de lieux de culte et de communians. Les catholiques romains, au nombre de 1,500 environ, sont Irlandais et Français ; ils ont trois églises dans l’Ile. »