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suffrage universel des contribuables. Le livre du rât ou de l’impôt est le registre électoral : quiconque y est inscrit pour la contribution annuelle la plus modeste est électeur.

Les impôts ont conservé leurs anciennes formes et leurs anciens noms ; la dîme est toujours en vigueur, et on la doit en nature sur les produits du sol : les pommes de terre pourtant sont exceptées, parce que la culture a été introduite dans l’île postérieurement à l’établissement de cet impôt. Les trois quarts sont pour la couronne, et le dernier quart est partagé entre le recteur de la paroisse et le doyen ou recteur de Saint-Hélier, qui est le chef ecclésiastique de l’île[1]. En fait, la dîme se paie aujourd’hui en argent, suivant une échelle de conversion fixée par la couronne et par chaque recteur en particulier ; mais cet accord n’a rien d’obligatoire, et chacune des parties a toujours le droit d’exiger ou d’effectuer le paiement de la dîme en nature. — Les revenus que la couronne tire de la dîme, comme aussi des terres, des droits seigneuriaux, etc., qu’elle possède dans l’île, y sont dépensés à peu près complètement (traitement des fonctionnaires de la couronne, dépenses de la prison, du collège, etc.).

Les râts sont les contributions paroissiales. L’île a peu de dépenses, l’entretien de la garnison et des forts revenant à la couronne, et presque toutes les fonctions étant gratuites. Les deux seuls impôts sont des droits de havre et des droits sur les vins et liqueurs. Ces revenus s’élèvent en moyenne à 35,000 livres sterling par an, soit 875,000 francs; ils sont administrés par les états de Jersey et employés aux travaux publics, à l’instruction, au paiement des intérêts de la dette publique, etc. Ces deux droits sont les seuls qu’on prélève dans les ports de Jersey, qui sont ports francs. La seule prohibition sur les produits du dehors est, dans toutes les îles, celle du bétail à cornes vivant. Il ne peut être introduit que pour la boucherie, et il est parqué en un endroit d’où il ne sort que pour être abattu. Cette mesure a pour but de conserver la pureté de la race indigène : les vaches jersiaises sont réputées pour la quantité de leur fait ; elles se vendent à de très hauts prix, et, malgré ce prix élevé, il s’en exporte un grand nombre en Angleterre

  1. « Il ne faisait pas bon la refuser insolemment jadis, et les présens de la mer n’en étaient point exempts. Ainsi le prouve un extrait des registres du 23 juillet 1608, portant que Jean-André, de Saint-Brelade, « atteint et convaincu par sa propre confession que la femme du ministre de ladite paroisse lui présentant un acte de justice concernant la dîme du poisson, dit qu’on lui baillât ledit acte à torcher ses fesses; pour lequel mépris, contemptement et irrévérence de justice, au grand scandale et pernicieux exemple, est condamné d’être fustigé de verges par l’officier depuis la Cohue d’ici au cimetière, le sang répandu. » (Luchet, Souvenirs de Jersey, p. 143).