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une densité supérieure à celle des vins, s’apercevra tout de suite de l’extrême faiblesse du titre en alcool, et s’il n’est pas pressé par le temps et qu’il puisse apprécier le sucre et l’extrait, il trouvera des doses beaucoup plus fortes qu’avec les vins (jusqu’à 30 grammes de sucre par titre et 70 grammes d’extrait). Nous venons de parler d’un fait curieux, mais exceptionnel : en pratique, les marchands de vin se contentent de mêler souvent à leurs vins blancs ou rouges une bonne fraction de jus de pommes ou de poires, surtout si la boisson primitive semble un peu âpre ou si elle manque d’extrait. Du reste, il paraît que les deux produits se mêlent difficilement. Cette composition « contre nature » offre toujours un aspect trouble et désagréable. Huit ou dix réactions s’offrent au praticien, qui a beau jeu pour caractériser la fraude. Le moyen le plus sûr consiste à rechercher et à doser l’acide malique, qui joue, au sein du poiré et du cidre, le rôle que l’acide tartrique remplit dans les vins, et qui supplée par son abondance au défaut de celui-ci. Comme, au bout de quelques mois, un vin naturel ne contient plus que des traces d’acide malique, la découverte d’une certaine proportion de cet acide dans le vin incriminé démasque aussitôt la fraude. Si la quantité reconnue est très petite, il y a incertitude, non pas sur le fait même de la tromperie, mais sur sa nature, car plusieurs des principes colorans végétaux destinés à embellir les vins rouges contiennent aussi de l’acide malique.

Avant de terminer notre travail, nous regretterions de ne pas exposer en quelques mots le sentiment des chimistes au sujet des piquettes de raisins secs. La question économique n’est pas assurément de notre compétence; il ne s’agit pas de rechercher s’il faudrait sacrifier la prospérité de dix départemens français et ruiner un million de viticulteurs pour le plus grand profit de quelques négocians ou armateurs, étrangers pour la plupart, le tout uniquement pour satisfaire aux intérêts de cent mille vignerons hellènes dont nous n’avons que faire. Laissons surtout de côté les fouilles de Delphes ou de Thèbes, les creuses déclamations sur l’influence de la France à Athènes, et n’interrogeons que la chimie abstraite.

L’extrait de ces prétendus a vins » atteint une proportion très élevée, si l’on réfléchit à leur médiocre teneur en alcool, et ce poids anormal de résidu sec s’accorde à merveille, une fois l’analyse complètement achevée, avec l’abondance corrélative de sucre réducteur, de Comme et de tartre. Mais l’observation la plus profitable se réalise par l’intermédiaire du polarimètre. On voit alors les piquettes de raisins secs, rendues transparentes par décoloration au noir animal, forcer presque toujours les vibrations lumineuses