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Il serait aussi fastidieux de décrire tout au long les diverses méthodes de collage ou de filtrage des vins que superflu d’énumérer les avantages que présentent ces deux opérations. Le filtrage rend les vins limpides et brillans, et leur communique une jolie nuance flatteuse à l’œil. Mais à raison des transformations chimiques incessantes qui s’opèrent dans le liquide, les résultats obtenus n’ont qu’une durée assez courte[1]. De temps immémorial, on a cherché à obtenir une classification plus complète, plus radicale, au moyen du collage. Il ne faut pas s’imaginer que cette dernière opération ait pour but immédiat d’engendrer des phénomènes chimiques susceptibles de provoquer le départ des molécules suspendues dans le liquide sans lui être incorporées. Sang, blanc d’œuf, gélatine, kaolin débourbé, alumine enfin, n’agissent que par adhésion ou entraînement physique, et l’effet produit peut assez bien se comparer à celui d’un filet à maille étroite nettoyant et balayant le liquide comme un épervier jeté sur une troupe de poissons, de sorte que les impuretés du vin tombent au fond du tonneau et grossissent d’autant la lie, comme les poissons saisis par l’épervier sont irrésistiblement précipités vers les couches inférieures et projetés dans la vase.

Un même vin étant analysé à deux reprises, avant et après le collage, on constate, comme il était facile de le prévoir, divers changemens dans sa constitution chimique. Le poids de l’extrait sec diminue dans une proportion appréciable, parce que les matières en suspension dans le vin entraînent dans leur chute une petite partie des substances solides dissoutes. A la suite de collages répétés, le tannin s’élimine progressivement, toujours pour la même raison, tandis que la couleur devient de moins en moins intense. En définitive, bien que les collages intelligemment pratiqués avec des réactifs innocens et consacrés par l’usage produisent de très bons résultats, il vaut mieux ne pas abuser de semblables traitemens, qui risquent sinon de détériorer complètement le vin, du moins de nuire à ses meilleures qualités et même d’affaiblir sa force alcoolique.


II.

Parmi les nombreux composés chimiques dont l’ensemble constitue le vin, deux figurent dans cette boisson à doses très inégales : l’alcool et le sucre, ou, pour mieux s’exprimer, la glucose ou la

  1. D’après les conventions généralement adoptées dans le commerce des vins, le vendeur, si son vin est filtré, est tenu de le déclarer expressément, parce que l’éclat passager qu’un vin doit à la filtration pourrait induire en erreur sur les qualités réelles du liquide.