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que le rôle d’un appoint négligeable, et le viticulteur, ayant ses coudées franches, peut traiter rationnellement son moût avec une dose raisonnable de plâtre.

Par exemple, une fois que le liquide a été corrigé avec du sulfate de chaux, il ne doit plus être vendu qu’avec la qualification de vin « plâtré, » formellement mentionnée sur l’acte de vente. Agir autrement serait déloyal. Du reste, à quoi bon chercher à dissimuler un traitement qui laisse des traces indélébiles? Toutes les fois qu’une solution aqueuse ou alcoolique, acide ou neutre, contient, soit de l’acide sulfurique, soit un sulfate soluble, quelle qu’en soit l’espèce, elle se trouble et louchit lorsqu’on l’additionne de quelques gouttes de chlorure de baryum dissous dans l’eau; il se forme un « précipité » très lourd, qui ne tarde pas à se réunir au fond du vase. Recueillie, lavée, séchée et pesée, cette poudre blanchâtre insoluble fournit, au moyen d’une règle de proportion, le poids de l’acide sulfurique entraîné par le réactif.

Traitons quelques centimètres cubes de vin ordinaire par le chlorure barytique dissous dans de l’eau aiguisée d’acide chlorhydrique. Dès que les premières gouttes de chlorure se seront mêlées au vin, celui-ci se troublera légèrement ; mais ce trouble cessera bientôt d’augmenter, malgré de nouvelles additions de sel. Filtrons et traitons de même la liqueur limpide ainsi obtenue; la transparence n’en sera pas altérée, tous les sulfates s’étant accumulés sur le filtre qui les a arrêtés. Recommençons l’expérience avec un vin plâtré : nous voyons aussitôt se former un nuage épais qui grossit peu à peu; il nous faudra dépenser beaucoup de chlorure de baryum pour qu’après filtration le précipité ne se reforme plus. Enfin, le papier du filtre nous permettra de recueillir une assez bonne dose de sulfate de baryte.

Dans un laboratoire, il est facile d’apprécier le poids du précipité et, en opérant sur un volume connu de vin, de se faire une idée exacte du poids de sulfate de potasse par litre, puisque c’est au moyen de cet élément que l’on juge du taux du plâtrage. Mais fort souvent le négociant, lorsqu’il veut faire des coupages, n’a besoin que d’obtenir en peu de temps par lui-même des résultats approchés. Il opère alors suivant la méthode préconisée par M. Marty, professeur au Val-de-Grâce et adversaire irréconciliable du plâtrage. M. Marty prépare une liqueur barytique de force telle, que chaque centimètre cube entraîne juste 1 centigramme de sulfate de potasse. Il prélève ensuite plusieurs échantillons de vin égaux entre eux et contenant chacun 10 centimètres cubes. Au premier échantillon, il ajoute 1 centimètre cube de sa liqueur; pour le second, il en dépense 2, et ainsi de suite. Au bout de quelques minutes,