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tandis que, s’il en contient, c’est que le producteur a tenu à améliorer une boisson médiocre elle-même[1]. A l’heure actuelle, du reste, les fraudes sur les vins ont pris une telle extension, que bien des hygiénistes, ignorant ou feignant d’ignorer qu’il s’agit d’une pratique très ancienne et au fon 1 très innocente, croient de leur devoir de condamner sans appel ce qu’ils appellent une falsification nouvelle, de peur que le plâtrage, une fois toléré, ne serve de prélude à d’autres falsifications. Enfin, nous est-il permis de glisser ici une allusion discrète à la défiance et au mépris instinctifs qu’inspire encore à certains savans, d’esprit un peu étroit, tout procédé agricole ou industriel en usage sur les bords de la Méditerranée, mais inconnu aux riverains de la Seine et de la Loire? Naturellement, les viticulteurs du centre et de l’ouest de la France sont les premiers à récriminer sur les inconvéniens du plâtrage, qu’ils ne pratiquent; pas ; du reste, agissant ainsi, ils ne font qu’user de leur droit strict.

La législation provisoire qui règne actuellement, et qui autorise le plâtrage jusqu’à concurrence de 4 grammes de sulfate de potasse par titre dans le vin fait, est fort sage; de cette façon, les intérêts du producteur se trouvent sauvegardés, puisque un plâtrage modéré lui permet de bonifier son vin sans aucun danger pour le consommateur. Dans une circulaire ministérielle de septembre 1886, laquelle, d’ailleurs, n’a jamais été appliquée, on a abaissé la limite de tolérance jusqu’à 2 grammes seulement par litre. Un pareil règlement, s’il était jamais mis en pratique, équivaudrait à l’interdiction absolue du plâtrage, et cela pour deux raisons. D’abord le propriétaire qui mêle du plâtre à ses raisins ne peut pas savoir rigoureusement ce que les meilleurs chimistes ne connaissent qu’imparfaitement, c’est-à-dire la dose exacte de sulfate potassique comparée avec celle du plâtre employé, que les réactifs permettront de retrouver au bout de la vinification. De peur de se voir refuser son vin sous prétexte qu’il fournit 2 gr. 1/2 de sulfate de potasse par litre, il se verra contraint de ménager tellement le gypse que l’opération sera sans utilité. En second lieu, les vins naturels abandonnent dans leurs cendres du sulfate de potasse, parfois jusqu’à un bon demi-gramme ; ce sulfate normal, dont le poids est inconnu, viendra s’ajouter à celui résultant du plâtrage, de façon qu’un vin faiblement plâtré pourrait sembler dépasser la limite de 2 grammes, si la nature l’a suffisamment enrichi en sulfate. Au contraire, avec le taux de 4 grammes, le sulfate naturel ne joue

  1. Cependant, au sud de Narbonne, il arrive souvent qu’on ajoute du sulfate de chaux à de forts beaux vins, afin de hâter leur clarification.