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en tout ou en partie, n’est pas, elle aussi, passablement rafraîchissante, au point que l’ancienne pharmacopée s’en servait comme purgatif léger. Nous tomberions dans la même erreur que notre contradicteur. Il vaut mieux répondre en ces termes : Personne au monde ne connaît la constitution complète et exacte d’un vin ; on ignore si une fraction de la crème de tartre précipitée par le réactif Berthelot et Fleurieu n’a pas été formée, sous l’influence même de ce réactif, avec de l’acide tartrique et de la potasse empruntés aux éthers ou sels du vin ; on ne connaît pas dans cette hypothèse la proportion de tartre dissoute dans le vin avant le traitement à l’alcool éthéré ; on ne sait pas davantage ce qui a pu se passer durant la dessiccation et la calcination d’un vin naturel ou plâtré. Tout ce qu’on peut dire, c’est qu’un sel de potasse, quel qu’en soit le genre, agit sur l’organisme à faible dose et rend malade absorbé en quantité plus forte. Or, dans le cas où le plâtre est ajouté au vin, celui-ci, ne s’enrichissant pas en potasse, ne peut devenir plus malsain, même si le vigneron plâtre à la cuve, et augmente par cela même la teneur naturelle en potasse; l’accroissement du poids de cette base au titre est assez faible pour être négligé, à moins qu’il n’y ait abus ou erreur.

Notons bien que les agriculteurs du Midi consomment toujours eux-mêmes habituellement des vins plâtrés sans se porter plus mal pour cela. Il y a quelques mois, tout le personnel enseignant de l’école d’agriculture de Montpellier a publiquement repris l’expérience qu’avaient inconsciemment répétée bien des fois des milliers de Biterrois et de Narbonnais, et s’est abreuvé de vin plâtré sans que nul des patiens ait jamais été malade, et sans qu’une enquête médicale sérieuse ait constaté quelque anomalie. Néanmoins, il faut bien le dire, l’opinion publique à Paris est absolument défavorable au plâtrage, et l’Académie de médecine s’est hâtée de prononcer à ce sujet une condamnation qu’il est permis de trouver trop sévère, trop prématurée.

Assurément il faut blâmer sans restriction le procédé en question lorsqu’il n’est pas intelligemment pratiqué, mais il est certain que des motifs moins sérieux, des préjugés difficiles à justifier militent contre le plâtrage. Les vins plâtrés sont, pour la plupart, des produits assez médiocres en eux-mêmes, auxquels le gypse assure une existence factice, et qui, abandonnés à eux-mêmes, eussent encore moins duré; somme toute, ils sont inférieurs aux crus non plâtrés, qui, moins beaux peut-être au début, s’améliorent avec le temps et finissent par surpasser les premiers. Parce qu’un bon vin du Midi n’a pas besoin de plâtre, on s’imagine, dans le Nord et l’Ouest, qu’un vin est mauvais à cause du gypse qu’il renferme ;