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beaucoup plus aisées à réfuter. Par exemple, supposons que le propriétaire ajoute à la vendange un plâtre obtenu par la cuisson de gypses impurs et notamment souillés de calcaire, il aura introduit dans son moût du carbonate de chaux dont l’effet est de saturer les acides du vin et de contribuer à le rendre plat. On décuvera finalement une boisson très médiocre ; mais ce n’est pas le plâtrage qu’on doit incriminer, il faut s’en prendre à l’inexpérience du plâtreur. On a fait valoir aussi l’insalubrité notoire des eaux dites « séléniteuses, » et l’on a dit, non sans apparence de raison, qu’un minéral susceptible de rendre l’eau indigeste ne peut manquer de communiquer cette propriété au vin lui-même. Ce raisonnement paraît spécieux au premier abord ; pratiquement, il perd de sa valeur. Si l’on se reporte aux explications précédentes, le sulfate de chaux entraîné par le moût ne persiste pas inaltéré et se transforme en sulfate de potasse; l’excès de poudre non dissoute s’hydrate et se cristallise dans le marc ; et, à mesure que l’alcool se forme, la petite quantité de sulfate calcaire qui a pu échapper à l’influence de la crème de tartre et des autres sels potassiques retombe également dans la lie, parce que le gypse, peu soluble dans l’eau pure, se dissout encore moins bien dans l’eau alcoolisée. Donc un vin plâtré ne contient pas plus de sulfate de chaux qu’un vin pur. Mais alors qu’arrivera-t-il si le producteur, croyant bien faire, force la dose de plâtre et en met deux ou trois fois plus qu’il n’est strictement nécessaire, ou bien s’il se trompe et en ajoute un excès par distraction? Vu la très médiocre solubilité du plâtre, tout ce qui aura été ajouté en trop s’accumulera dans les lies sans se dissoudre ni prendre part à la réaction : c’est ce qu’a fait voir M. Henri Mares. Cet agronome ayant prié Wurtz de lui analyser un vin surplâtré (8 kilogrammes par hectolitre), l’illustre chimiste ne retrouva que 3.92 de sulfate de potasse par titre de liquide; le vin restait en-deçà des limites de tolérance actuellement fixées.

Mais, en définitive, l’objection la plus sérieuse qu’on puisse présenter à l’égard du plâtrage est la suivante : le sulfate de potasse que contiennent forcément les vins traités est un sel sinon vénéneux, du moins purgatif, comme il est facile de s’en assurer en ingérant des doses croissantes de cette substance fondue dans l’eau. Pour un vin plâtré au tonneau, le sulfate tient lieu d’une quantité équivalente de crème de tartre ; dans un vin plâtré à la cuve, le sulfate et le bitartrate de potasse coexistent, ce dernier à dose moins considérable que si le moût eût fermenté sans mélange.

Ainsi parlerait plus d’un chimiste instruit, si on le questionnait relativement à la pratique que nous discutons en ce moment. Nous nous garderons bien de lui demander si la crème de tartre, éliminée