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basique gâte la couleur d’un vin, l’influence d’un acide relève au contraire cette même teinte et l’avive sensiblement.

Voilà donc les bons effets du plâtrage, effets connus de tous les temps, à demi expliqués par la chimie ; mais ce même traitement amène d’autres résultats dont il n’est pas impossible de se faire une idée, si l’on serre les phénomènes et les transformations de plus près. Profitant des travaux antérieurs de MM. Bussy et Buignet, ainsi que des études subséquentes de M. Chancel, qui reprit à nouveau ce même sujet après l’avoir examiné une première fois, M. Magnier de La Source est allé plus loin que ses devanciers: il a fait observer qu’une bonne partie de la potasse qu’on retrouve dans les cendres d’un vin naturel ne se rattache nullement à l’acide tartrique sous forme de bitartrate; en d’autres termes, qu’après séparation et dosage de la crème de tartre, on ne retire de cette matière qu’un peu moins des deux tiers de la dose totale d’alcali obtenue par incinération directe. De quel composé inconnu fait partie cet excès de potasse? S’il faut en croire M. Magnier, elle accompagne certains principes colorans de nature et de constitution incertaines, formés dans la cuve elle-même ; grâce au plâtrage, ces mêmes agens mystérieux troquent leur potasse contre de la chaux, et gagnent en éclat et en brillant, circonstance qui rend encore mieux compte de l’heureuse influence du plâtre sur la couleur que le simple inconvénient d’acidité. Il est plus que probable qu’aucun des innombrables composés minéraux ou organiques qui s’élaborent simultanément ou successivement dans le récipient où bouillonne le moût n’est indifférent à l’influence du sulfate de chaux introduit; les opérations chimiques accompagnant la vérification, déjà très peu simples en elles-mêmes, se compliquent d’une foule de petites réactions secondaires, parfois inverses les unes des autres, dont les effets se traduisent par des dissolutions et précipitations successives. Or il est évident que chaque parcelle qui s’insolubilise et se précipite au fond du liquide le purifie et le nettoie par entraînement. Mais ce n’est pas tout : la fermentation vineuse elle-même se trouve accélérée et facilitée par la seule présence du gypse, comme l’a prouvé M. Audoynaud, qui a constaté scientifiquement une influence utilisée depuis bien des années par les vignerons, éclairés eux-mêmes par le seul instinct d’une routine séculaire.

Le plâtrage a servi de prétexte à une lutte acharnée : il s’est vu attaqué sans merci par des adversaires impitoyables, tandis que des défenseurs autorisés luttaient vaillamment en sa faveur. Quelques-unes des objections invoquées sont sérieuses et méritent d’attirer l’attention des hygiénistes et des économistes; d’autres sont