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Pope a fait quatre pastorales, dont chacune se rapporte à une des divisions de l’année, idée fort simple, mais qui n’en a pas moins été d’une fécondité assez remarquable. Thomson avouait avoir trouvé dans cette division le germe et le plan de son poème des Saisons, d’où il n’était pas non plus très difficile de les tirer. Les Églogues de Collins sont visiblement une variante de cette même idée ; comme celles de Pope, elles sont au nombre de quatre, mais, au lieu de se rapporter aux divisions de l’année, elles se rapportent, ce qui est beaucoup moins banal, aux divisions du jour, le matin, le midi, le soir, la nuit, et chacune de ces idylles a été fort délicatement construite, de sorte qu’elle s’associe d’une manière tout à fait intime avec l’heure qu’elle allégorise. Voici le matin, l’heure à la fois fraîche et radieuse où la journée est encore innocente, où la lumière limpide ignore les violences du midi et les équivoques séductions du crépuscule. C’est l’heure que choisit judicieusement le berger Selim pour adresser ses leçons de morale amoureuse aux jeunes bergères des campagnes qu’arrose le Tigre, et leur insinuer des conseils qui pourront faire leur vie pareille à une longue matinée, toute de paix et de candeur. Matin qui est le printemps du jour, jeunesse qui est le matin de la vie, morale d’innocence qui est comme la prière au réveil, tout cela est en accord charmant, et ces conseils sont prêches en vers souvent exquis : « Ô sexe complaisant à lui-même, vos cœurs croient en vain que l’amour aveuglera le berger qu’il aura une fois enflammé ! C’est en vain que vous espérez gagner un amant par vos défauts, comme les taches de l’hermine en embellissent la peau. — Les terreurs propres à l’heure de midi, aux clartés d’une sinistre franchise, sont racontées par Hassan le chamelier. Hassan, poussé par l’appât du gain, a quitté dès l’aube Schiraz, la ville des roses, et s’est engagé dans le désert pour aller chercher par-delà ses sables un or problématique, mais l’heure de midi lui révèle les périls de son entreprise : la faim, la soif, les tourbillons de sable, les bêtes fauves, les serpens aux blessures mortelles. Il avait cependant à Schiraz une belle fiancée dont son départ a brisé le cœur ; « Ah ! lui a-t-elle dit, lorsque la tempête soufflera sur toi, puisses-tu ne pas la ressentir davantage que tu ne sens mes soupirs rejetés ! » À ce souvenir, son cœur faiblit, et, mieux inspiré que la cavale de Musset, il pense qu’il y a à Schiraz de frais ombrages, des sources abondantes, de sûrs asiles, et il rebrousse sagement chemin. — La troisième églogue, consacrée au soir, est la plus jolie des quatre, et tout à fait dans le meilleur goût de la pastorale du XVIIIe siècle. Le roi Abbas, conduit par la chasse, a surpris la bergère Abra faisant avec ses compagnes bouquets pour leurs seins et couronnes pour leurs chevelures. Aussitôt