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de ses prétentions[1], il retomba dans l’ombre, ne fut ni empoisonné, ni poignardé, et finit par mourir en soldat pendant la guerre de Paris.

M. le Duc ne se laissa pas émouvoir par les aventures de Tancrède, encore moins par les menaces et les calomnies. De près ou de loin, il reste à la disposition de Chabot, n’épargnant ni les lettres, ni les démarches ; c’est son écuyer La Forêt qui porte les messages au château de Sully[2]. Il désarme certaines résistances, ramène des amis, des parens, tels que Gramont, La Trémoille, ayant même soin de ne pas rompre toute relation avec Mme de Rohan la mère. Il intervient dans les discussions d’affaires, négocie, améliore les transactions ; enfin il fait, non sans peine, régler le point difficile : Henri Chabot est déclaré duc de Rohan par le Roi. On crie à l’abus de pouvoir, rien n’est plus faux ; la Couronne ne lésait personne lorsqu’elle rétablissait une pairie éteinte en faveur de ceux qui détenaient légitimement la terre sur laquelle cette pairie était assise. Louis de Bourbon soutenait les vrais principes de l’ancien droit, et il les soutint jusqu’au bout, malgré le mauvais vouloir officiel, malgré les clameurs des partis : au plus fort de ses embarras politiques, au risque de les compliquer, il assura l’enregistrement des lettres patentes qui élevaient définitivement son ami au rang de duc et pair[3].

Ce groupe des amis de la première heure, rivaux d’étude ou d’amour, compagnons de guerre et de plaisir, va s’éclaircissant chaque jour. D’autres prennent, dans ce cercle familier, les places que la mort des uns, le départ des autres, laissent vacantes. Voici d’abord deux officiers de la maison, dont les noms sont comme

  1. Ce procès a donné lieu à de longues et belles plaidoiries. Les avocats et les chroniqueurs ont tout dit sur ce Tancrède, sans arriver à établir s’il était un fils adultérin de Mme de Rohan et du duc de Candale, ou un simple aventurier lancé par Ruvigny pour les besoins de la cause. Ce qui est certain, c’est qu’il n’était pas fils du grand Henri de Rohan. L’arrêt qui le débouta fut prononcé le 26 janvier 1646, et c’était bien jugé.
  2. Lettres de Henri Chabot, du chevalier de Rivière, 1645, etc. — A. C.
  3. La duché-pairie de Rohan, créée (avril 1603) en faveur de Henri de Rohan, fut éteinte le 13 avril 1638 par la mort de ce même Henri sans enfans mâles. Marguerite de Rohan, sa fille, s’étant mariée en 1645, le brevet de duc fut donné par la Régente à Henri Chabot, son époux. Les prétentions du soi-disant héritier ayant été écartées par un arrêt solennel, la vicomte de Rohan fut de nouveau érigée en duché-pairie par lettres du mois de décembre 1648. Le 15 juillet 1652, au lendemain du combat du faubourg Saint-Antoine, dans la période la plus agitée de la seconde fronde, M. le Prince mena le duc de Rohan à la grand’ chambre, et d’autorité fit enregistrer les lettres, qui furent transcrites au parlement de Bretagne le 29 août 1653. En dernier appel, l’affaire fut définitivement jugée et réglée par le Roi lui-même en son conseil (1706).