Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 91.djvu/741

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conclusion[1]. Le duc d’Anguien l’appuya de toute son ardeur ; quand la cérémonie des épousailles par procuration fut accomplie, il voulut, quoique bien faible encore et malgré la rigueur de la saison (27 novembre 1645), donner à la nouvelle reine de Pologne la conduite jusqu’à Saint-Denis. La Reine et lui ne devaient plus se revoir ; l’éloignement resserra les liens de leur amitié ; la mort seule les trancha[2].

Les princesses de Gonzague dominent la foule des femmes de la Fronde, surpassent même les plus célèbres ; elles ne font pas métier de la conspiration comme Mme de Chevreuse, ni de la galanterie comme Mme de Montbazon ; elles ont autant de force, plus de portée que Mme de Longueville, plus de sûreté, moins d’avidité que la duchesse de Châtillon ; leur aptitude va jusqu’à diriger un parti, même un état. Toutes deux, par le tour audacieux de leur esprit, la fermeté de leur caractère, la hauteur de leur courage, la souplesse de leur génie, ont plus d’un rapport avec Louis de Bourbon. Elles tiennent une grande place dans son histoire, aux époques agitées de sa vie, comme dans les années calmes, régulières de la fin. L’une essaiera d’assurer aux Condé cette couronne de Pologne que sa ténacité héroïque, son habileté, auront victorieusement disputée aux Suédois, aux Moscovites, aux mille rivaux de ses deux époux. L’autre sera, au temps des témérités coupables, le guide, le soutien du héros égaré, son Égérie trop rarement écoutée ; elle ne voudra d’autre héritier que le fils de son ami. Souvent divisées, ces deux femmes de tête et de cœur seront toujours réunies par leur affection pour Condé, leur dévoûment à sa grandeur et à sa maison.

Tout autre était Mlle de Boutteville, dont la beauté précoce, irrégulière, mais éclatante, avait laissé au duc d’Anguien adolescent cette première impression qui rarement s’efface. Isabelle de Montmorency

  1. Le traité fut signé le 26 septembre 1645 ; la négociation durait depuis dix-huit mois. L’entrée des ambassadeurs polonais, le défilé de cette procession richement parée, fut une de ces démonstrations orientales qui ont eu de tout temps le privilège de divertir les Parisiens. Aussitôt après la « demande, » Madame la Princesse, considérée comme amie intime, fut la première à offrir ses félicitations. Louise-Marie fut traitée en fille de France. Après la cérémonie du mariage (6 novembre), le Roi la ramena dans son carrosse à l’hôtel de Nevers, où elle resta encore une vingtaine de jours. La reine de Pologne fut accompagnée jusqu’à Varsovie par la veuve du maréchal de Gnébriant. Ce voyage a fait l’objet d’un long récit par Jean Le Laboureur. L’ambassadeur extraordinaire de France était le comte de Brégy, qui devait, disait-on, sa fortune à sa femme, nièce de Saumaise, bel esprit, « façonnière et vaine, » enlaidie de bonne heure, mais « propre et s’habillant bien. » On a imprimé quelques lettres de Mme de Brégy, qui avait aussi collaboré aux Divers portraits de Mademoiselle et qui joua un rôle secondaire dans les intrigues du temps.
  2. La reine Louise mourut d’apoplexie à Varsovie, en 1667, sans laisser d’enfans.