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un candidat à la vice-présidence, M. Levi Parsons Morton, de la maison Morton Bliss et Cie, que nous avons vu à Paris ministre des États-Unis, poste où il fut remplacé, en 1885, par un démocrate, M. Mac Lane.

Les chances de l’élection restèrent indécises jusqu’au dernier moment. Tout dépendait du vote de deux ou trois états douteux. Les démocrates comptaient sur les 153 voix du solid South, groupe compact de tous les états du Sud, limité par l’ancienne ligue Mason and Dixon. On concédait à M. Harrison 182 voix acquises d’avance dans le Nord. Pour atteindre la majorité absolue de 201 voix[1], il suffisait à M. Harrison d’un appoint de 19 suffrages électoraux, tandis qu’il en fallait encore 48 à M. Cleveland. La force permanente des républicains était supérieure à celle des démocrates, mais il en avait été de même en 1884, ce qui n’avait pas empêché M. Cleveland de l’emporter, ayant obtenu, avec les 153 voix du Sud, toutes celles des états douteux, savoir les 36 du New-York, les 15 de l’Indiana, les 9 du New-Jersey et les 6 du Connecticut.

L’échiquier électoral était disposé cette année de la même façon qu’en 1884. Mais M. Cleveland a perdu le New-York et l’Indiana. Pourquoi le Connecticut et le New-Jersey, états protectionnistes, sont-ils restés fidèles au président partisan de la révision du tarif, et pourquoi le New-York a-t-il abandonné son ancien favori ? Ce sont là des mystères qu’il est difficile d’expliquer. Le système électoral aux États-Unis présente cette singularité que, le 6 novembre dernier, l’électeur new-yorkais avait à voter à la fois pour les électeurs présidentiels, pour le gouverneur et pour les membres de la législature

  1. Le président est élu par un collège électoral de 401 électeurs, chaque état ayant à désigner par le vote populaire autant de membres du collège électoral qu’il y a de sénateurs et de représentans envoyés par cet état au congrès (la chambre des représentans compte 325 membres et le sénat 76). En théorie, chacun des électeurs désignés est libre de voter comme il l’entend, mais, dans la pratique, les électeurs dans chaque état étant nommés au scrutin de liste, le vote de la liste qui l’emporte est déterminé par un mandat impératif. C’est ainsi qu’en 1884 une majorité de 1,047 voix sur près de 1,200,000 suffrages populaires a déterminé en faveur de M. Cleveland le vote des 36 électeurs désignés par l’état de New-York, et le résultat du vote général du collège électoral fut : 219 voix pour ce candidat et 182 pour M. Blaine. Que dans l’état de New-York un déplacement de 600 voix au scrutin populaire eût renversé cette majorité si faible de 1,047 voix, les 36 suffrages de New-York auraient été acquis à M. Blaine, qui se trouvait ainsi élu président. C’est ce qui s’est produit cette année, mais en faveur de M. Harrison. Le New-York est donc le principal facteur de l’élection. Viennent ensuite : la Pensylvanie avec 30 voix, l’Ohio avec 23, l’Illinois avec 22, le Missouri avec 16, etc., le nombre des suffrages par état décroissant jusqu’à ce qu’on arrive aux 4 voix du New-Hampshire, du Vermont, du Rhode-Island, de la Floride, et au minimum de 3 voix (1 représentant et 2 sénateurs) du Delaware, de l’Orégon, du Nevada et du Colorado.