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La législature nationale, de son côté, a travaillé avec conscience à la découverte d’autres procédés de dépenses. Un projet de loi ayant pour objet de répartir en dix années une somme de 80 millions de dollars entre les états les plus arriérés au point de vue de l’organisation de l’enseignement primaire faillit passer dans les deux chambres. Il succomba devant l’objection que ce système de subvention aux états équivaudrait à l’établissement d’une prime en faveur de l’indifférence ou de la négligence des pouvoirs publics locaux en matière d’enseignement.

Ces projets et toute sorte de plans de grands travaux publics d’un intérêt général très mêlé de préoccupations d’ordre purement électoral ou d’intérêt privé auraient pu entamer sérieusement le surplus, s’ils n’avaient été arrêtés par la résistance du parti démocratique ou par le veto du président. Le parti démocratique, disposant à la fois de la majorité dans la chambre des représentans et de l’influence présidentielle, était lié strictement par son programme de 1884, dont l’article principal est que le fonctionnement gouvernemental doit être établi sur les bases de la plus stricte économie. Avec une majorité républicaine dans les deux chambres du cinquante et unième congrès, ces scrupules seront dissipés. Il sera loisible de dépenser 160 ou 200 millions de francs chaque année, par exemple, pour doter les États-Unis d’une flotte de guerre, puisqu’on consacre déjà une annuité de près de 75 millions pour garder et entretenir quelques cuirassés et croiseurs hors d’usage, sans vitesse, et de types complètement démodés, chiffre fort élevé, on en conviendra, pour une marine purement décorative. Dans la première session du cinquantième congrès, l’élan était tel dans ce sens au sénat (où subsistait une petite majorité républicaine) que plusieurs bills furent votés en quelques semaines, représentant, pour la construction de croiseurs et de canons et pour des fortifications, une dépense supplémentaire de 360 millions de francs en dehors des crédits ordinaires. Ces bills n’ont pas eu à subir le veto du président, ayant été enterrés dans la chambre des représentans. Mais le prochain congrès n’a qu’à s’engager dans cette voie, le trésor aura bientôt vu la fin de ses disponibilités.


VI.

Comment la convention nationale républicaine de Chicago a-t-elle été amenée à substituer la candidature d’un honnête inconnu comme M. Benjamin Harrison à celle de M. Blaine, le grand instigateur de toute cette politique de protectionnisme à outrance et de tendances centralisatrices et dépensières ? C’est M. Blaine qui l’a voulu ainsi. Dès le mois de janvier 1888, il écrivit d’Italie à M. Jones, président