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l’accouplement fait bondir d’indignation aux États-Unis les prohibitionnistes (membres du parti de la tempérance) : free Whisky, du moins ils veulent abolir les taxes sur les spiritueux employés dans les arts et les industries. Les recettes du trésor seront alors considérablement diminuées. Le programme par le bien de quelques articles sur lesquels les droits d’entrée pourraient être réduits ou supprimés, mais il s’agit uniquement de ceux (les objets de luxe exceptés) qui ne peuvent être produits à l’intérieur du pays. Quant aux autres, dont la production donne du travail aux ouvriers américains, il faut en entraver l’importation par le tarif.

Si les excédens persistent, il faudra voter de larges crédits pour la reconstitution de la marine fédérale, pour la construction de fortifications sur les côtes, pour la fabrication d’armes perfectionnées et l’établissement des moyens de défense les plus conformes aux données de la science moderne, pour les ports et les villes exposés aux attaques par mer. Il faudra encore élever les crédits pour les pensions aux anciens soldats, pour des travaux publics d’importance nationale, pour l’amélioration des rivières et canaux, pour le relèvement de la marine marchande : «Que si enfin il reste encore un revenu plus considérable qu’il n’est utile pour les fonctions du gouvernement, dit le platform de Chicago, nous réclamons le rappel complet des taxes intérieures plutôt que l’abandon d’aucune partie du système protecteur entre les mains du syndicat du whisky et des agens des manufacturiers étrangers. « 

Assurément, si le président et le congrès appartiennent au même parti, comme il arrivera dès cette année, ils n’auront que l’embarras du choix entre les moyens de dépenser tous les surplus que pourra donner le maintien du tarif. M. Blaine, le premier homme d’état, et M. Sherman, le premier financier du parti républicain, ont en réserve nombre de projets dont l’application semblerait en Europe toute naturelle, bien qu’aux États-Unis on les juge avec raison contraires à l’esprit de la constitution. Ainsi M. Blaine, quelque temps avant l’élection présidentielle de 1884, avait proposé que chaque année l’excédent de l’exercice antérieur fiât purement et simplement réparti entre les divers états de l’Union proportionnellement à leur population. L’idée fut alors mal accueillie en général. Il y avait sans doute pour les états quelque chose de séduisant dans cette distribution de manne gouvernementale qui eût permis à plusieurs d’entre eux de se dégager de leurs embarras particuliers, mais des objections constitutionnelles se dressèrent de toutes parts contre le projet, et le système de la répartition des excédens fut déclaré incompatible avec les principes fondamentaux sur lesquels reposent les institutions américaines. On y reviendra, selon toute vraisemblance.