Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 91.djvu/670

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Nous acceptons que la question soit ainsi posée, et nous faisons avec confiance appel au jugement du peuple. Il faut que le système protectionniste soit maintenu. Son abandon a toujours été suivi d’un désastre général pour tous les intérêts, excepté pour ceux de l’usurier et du shériff. Nous dénonçons le bill Mills (bill fondé sur les propositions de M. Cleveland et qui a été discuté vainement pendant plus de six mois dans la chambre des représentans) comme funeste pour les affaires générales, pour le travail, pour les intérêts agricoles du pays. Nous approuvons résolument l’action ferme et patriotique des représentans républicains au congrès qui s’opposent au passage de ce bill.


Voilà donc qui est entendu. Quoique l’expérience des vingt dernières années ait prouvé à satiété que la protection à outrance ne mettait les États-Unis à l’abri d’aucune des crises qui frappent périodiquement toute grande communauté industrielle et commerciale, que l’élévation des salaires due à cette protection n’est pour l’ouvrier d’Amérique qu’un avantage purement factice ou plutôt un leurre, puisque, grâce à la protection, il paie sa nourriture, ses vêtemens, tout ce dont il a besoin, plus cher que ses frères d’Europe, enfin que la grande prospérité financière du gouvernement des États-Unis est toute de surface, et que les habitans de l’Union ne seraient ni plus ni moins heureux si le trésor n’encaissait que des excédens modestes, le parti républicain n’en persiste pas moins à présenter aux électeurs américains le système protectionniste comme la fin suprême, idéale, le seul système rationnel en matière économique.

Il faudra pourtant bien que les républicains abordent la solution du problème si singulièrement gênant de l’accumulation des excédens. Autorisé par une loi votée au commencement de l’année, le secrétaire des États-Unis a acheté, jusqu’à la fin du mois d’octobre, pour près de 80 millions dollars (400 millions de francs) des bonds 4 1/2 et 4 pour 100, avec une prime s’élevant à 10 pour 100 sur les premiers et à 25 et 27 pour 100 sur les seconds. Ces ventes se ralentiront forcément à mesure que s’élèveront les exigences des détenteurs. Malgré l’application, sur une si large mesure, d’un système d’amortissement fort coûteux, le trésor fédéral disposait encore d’un surplus disponible de 400 à 500 millions de francs, dont la plus grande partie était en dépôt dans un certain nombre de banques nationales.

Mais les chefs du parti républicain ont un système tout prêt pour se débarrasser de ces centaines de millions. Ils ne touchent pas au tarif, et s’en prennent aux dernières taxes intérieures subsistantes, aux droits sur le tabac et le whisky. S’ils ne vont pas jusqu’à inscrire audacieusement sur leur programme ces deux mots dont