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c’était enlever des sommes considérables aux transactions et aux besoins de la population, entraver l’énergie nationale, empêcher l’application des capitaux à des entreprises productives, provoquer des projets de dépenses tendant directement au gaspillage des deniers publics.

Il enveloppait d’ailleurs ses propositions de toute sorte de ménagemens :


Dans cette œuvre de révision, les intérêts du travail américain engagé dans l’industrie doivent être considérés avec sollicitude, aussi bien que le maintien de nos manufactures. Qu’on appelle ce système protection ou qu’on lui donne un autre nom, il est essentiel de songer à faire disparaître les iniquités et les dangers de notre tarif actuel, mais en prenant des précautions spéciales pour que nos intérêts manufacturiers ne soient pas compromis.


M. Cleveland se gardait bien de se dire libre-échangiste. Il se défendait chaleureusement contre toute imputation tendant à le ranger dans la classe des théoriciens qui veulent opposer doctrine à doctrine, libre échange à protectionnisme. Il n’oubliait pas que, dans la dernière élection présidentielle, les républicains n’avaient pas hésité à accuser ceux de leurs adversaires démocrates qui parlaient de réduction des droits à l’importation d’avoir été corrompus par l’or anglais :


Ce n’est pas une théorie que nous avons à appliquer, c’est une situation périlleuse à laquelle nous avons à remédier. La question du libre échange n’a rien à voir ici, et la persistance que l’on met de certains côtés à prétendre que tous les efforts qui tendent à réduire la taxation sont des projets de free-traders est malveillante et inspirée par des considérations qui ne visent que de fort loin le bien public. Le devoir simple et clair que nous avons à remplira l’égard du peuple est de réduire la taxation au montant nécessaire pour couvrir les dépenses normales d’un gouvernement économique, et de laisser aux affaires et au pays l’argent qui ne s’accumule au trésor que par une véritable perversion des pouvoirs du gouvernement. Ces résultats peuvent et doivent être atteints de telle sorte que tous les intérêts soient sauvegardés.


L’auteur du message prévoyait qu’on allait dans le camp ennemi faire grand tapage des intérêts des classes laborieuses. Le grand argument des républicains avait toujours été qu’un tarif élevé ne sert pas seulement les intérêts d’une classe particulière de manufacturiers, mais qu’il protège encore le travail national et assure des salaires rémunérateurs à des millions d’ouvriers.