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qu’il conviendrait d’obtenir pour les manuscrits rares de la bibliothèque du Caire un local en rapport avec leur valeur. Sait-on que cet institut fut fondé il y a une vingtaine d’années par le vice-roi Saïd-Pacha et sur le modèle de l’Institut d’Égypte que Bonaparte avait composé des illustres savans qui l’accompagnaient ?

Quelle ne serait pas la douleur de ces hommes d’élite s’ils avaient pu voir, comme on le voit aujourd’hui, des soldats anglais monter la garde à l’ombre des pyramides, et des régimens anglais manœuvrer dans la plaine d’Héliopolis, aux lieux mêmes où Kléber combattit l’armée arabe ! Dans la liste des présidens de l’Institut égyptien figurent Mariette, M. Maspero, qui l’a remplacé dans la direction du musée de Boulaq, et M. Grébaut, le successeur de M. Maspero. Le président actuel est M. Schweinfurt, le botaniste auquel la Société de géographie de Paris a décerné une grande médaille d’honneur pour son exploration dans le centre de l’Afrique.

L’Institut égyptien, dont le siège est à Alexandrie, a tenu dans ces dernières années des séances d’un grand intérêt au point de vue de l’égyptologie. Comme à Paris, toutes les sciences y sont représentées. À la fin de 1887, M. Coignard y a fait une lecture fort intéressante sur un sujet qui, chaque année, est d’une douloureuse actualité. Elle traitait d’une épidémie appelée la fièvre dengue. C’est une fièvre légère, accompagnée de douleurs dans les articulations, et qui disparaît en quarante-huit ou soixante-douze heures en la combattant avec du sulfate de quinine et de l’antipyrine, la panacée en vogue, mais en laissant le malade, pendant plusieurs semaines, dans un état de fatigue et parfois de prostration. La violence de l’épidémie est toujours en rapport avec l’inondation du Nil, et, à la fin de l’année 1887, si la dengue a frappé les quatre cinquièmes de la population du Caire, c’est parce que la crue du fleuve a été plus forte que d’habitude. Avec le retrait des eaux, la fièvre disparaît et sans jamais faire de victimes.

Ce n’est point non plus sortir de mon sujet de dire que c’est une erreur de croire que le climat d’Égypte est bon aux phtisiques. Le savant professeur, docteur L. Landouzy, chargé l’année dernière d’une mission en Égypte, la combat énergiquement. Au Caire, le septième de la mortalité est dû à des maladies de poitrine, et dans les hôpitaux militaires, un tiers de la mortalité est causé par la tuberculose. On y constate d’effroyables écarts du baromètre. Il m’y est arrivé, l’hiver dernier, d’avoir eu très chaud dans la journée et de grelotter le soir aux Pyramides. Je crois que c’est Bossuet qui a propagé l’erreur qu’il est charitable de combattre. N’a-t-il pas écrit : « La température toujours uniforme de l’Égypte y fait les esprits solides et constans… » Le climat s’est-il