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et ces libertés ont trouvé leur expression formelle et législative dans les maximes de 1682. Il y a donc eu une église gallicane qui n’était ni hérétique ni schismatique, et qui soutenait l’indépendance du pouvoir temporel à l’égard du spirituel. Cet état de choses, avec alternative de querelle et de paix, a duré jusqu’en 1789. Que devait-il arriver avec la rupture profonde opérée par la révolution ?

La révolution ne se contenta pas de cette indépendance mitigée à l’égard de Rome, qui avait été la loi de l’ancien régime. Elle voulut aller jusqu’au schisme. Elle voulut une église gallicane proprement dite ; en établissant ce que l’on appela la constitution civile du clergé, elle essaya de fonder une église purement nationale sur des principes analogues à ceux qu’elle introduisait dans l’ordre politique. Cette résolution coupa le clergé français en deux. Parmi les prêtres, les uns acceptèrent l’ordre ecclésiastique nouveau, les autres s’y refusèrent. Il y eut un clergé assermenté et un clergé insermenté. Cette rupture dura jusqu’au consulat, époque à laquelle Bonaparte, comme on le dit, rétablit le culte, ce qui n’est pas tout à fait exact : il rétablit seulement l’accord avec Rome ; il fit cesser le schisme et fit rentrer dans l’église le clergé assermenté et dans l’état le clergé réfractaire. Telle fut l’œuvre du Concordat, qui régit aujourd’hui les rapports de l’église et de l’état dans notre pays.

Dans cette profonde transformation, que devaient devenir les maximes de 1682 ? Que pouvait être le gallicanisme dans ce régime nouveau ? Ces maximes, qui avaient été inventées lorsque l’état était chrétien, étaient-elles encore de mise quand il ne l’était plus ? L’église restaurée se contenterait-elle d’être liée à l’état par des liens purement extérieurs ? En séparant dans une certaine mesure l’église de l’état, ne donnait-on pas à l’église le désir et la tentation de retrouver sa force perdue, en se rattachant d’une manière plus énergique à son centre, c’est-à-dire à Rome ? Le schisme, que la révolution avait tenté sans y réussir, ne devait-il pas emporter par réaction les faibles limites que le gallicanisme avait essayé de poser au pouvoir spirituel ? C’est ainsi, c’est par cette loi, si connue aujourd’hui, des réactions dans l’ordre des idées, comme dans l’ordre mécanique, que nous voyons renaître en France, au commencement de ce siècle, le principe longtemps oublié de l’ultramontanisme. Sous Napoléon Ier, de telles tendances ne pouvaient guère se manifester. Mais à l’époque de la restauration, qui semblait devoir restituer tous les principes, les esprits ardens et absolus pensèrent qu’il y avait lieu de remonter, non-seulement jusqu’au-delà de la révolution, mais encore au-delà de l’église gallicane, et d’affirmer hautement la nécessité du gouvernement catholique des sociétés. En face de la révolution qui partait du principe de la liberté de penser et de la