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que quelques os. Ils s’enfoncent des pointes de fer dans les joues ou dans le ventre; et on trouve après leur mort, quand on fait leur autopsie, des objets de toute nature entrés dans les parois de l’estomac.

Eh bien! on rencontre dans les textes des Aïssaouas les plus poétiques prières et les plus poétiques enseignemens de toutes les confréries islamiques.

Je cite d’après M. le commandant Rinn quelques phrases seulement :

« Le prophète dit un jour à Abou-Dirr-el-R’ifari : « O Abou-Dirr, le rire des pauvres est une adoration ; leurs jeux, la proclamation de la louange de Dieu; leur sommeil, l’aumône. »

Le cheik a encore dit :

« Prier et jeûner dans la solitude et n’avoir aucune compassion dans le cœur, cela s’appelle, dans la bonne voie, de l’hypocrisie.

« l’amour est le degré le plus complet de la perfection. Celui qui n’aime pas n’est arrivé à rien dans la perfection. Il y a quatre sortes d’amour: l’amour par l’intelligence, l’amour par le cœur, l’amour par l’âme, l’amour mystérieux... »

Qui donc a jamais défini l’amour d’une manière plus complète, plus subtile et plus belle?

On pourrait multiplier à l’infini les citations.

Mais, à côté de ces ordres mystiques qui appartiennent aux grands rites orthodoxes musulmans, existe une secte dissidente, celle des Ibadites ou Beni-Mzab, qui présente des particularités fort curieuses.

Les Beni-Mzab habitent, au sud de nos possessions algériennes, dans la partie la plus aride du Sahara, un petit pays, le Mzab, qu’ils ont rendu fertile par de prodigieux efforts.

On retrouve avec stupéfaction, dans la petite république de ces puritains de l’Islam, les principes gouvernementaux de la commune socialiste, en même temps que l’organisation de l’église presbytérienne en Écosse. Leur morale est dure, intolérante, inflexible ; ils ont l’horreur de l’effusion du sang et ne l’admettent que pour la défense de la foi. La moitié des actes de la vie, le contact accidentel ou volontaire de la main d’une femme, d’un objet humide, sale ou défendu, sont des fautes graves qui réclament des ablutions particulières et prolongées.

Le célibat, qui pousse à la débauche, la colère, les chants, la musique, le jeu, la danse, toutes les formes du luxe, le tabac, le café pris dans un établissement public, sont des péchés qui peuvent faire encourir, si on y persévère, une redoutable excommunication appelée la tebria.