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au second et de quelques mesures dans le trio très bref du troisième. Comminge chante à peine ; Isabelle n’a que deux airs, et la reine quelques phrases de solo et quelques récitatifs. C’est tout, et cependant rien ne manque à ces types divers et tous achevés. L’élégance aristocratique de Mergy ne se trahit-elle pas dans le contour seul de la romance : O ma tendre amie ? Ne reconnaît-on pas la jeunesse et la passion dans la modulation expansive, adorable, amenée par ces mots : Ton cœur va-t-il me dire : J’ai gardé mon amour ? Quelle allure donne au gentilhomme le simple récit du second acte : Le roi, madame, a commis à mon zèle le soin, l’honneur de me rendre en ces lieux ? Avec quelle gravité, quelle distinction suprême il raconte devant toute la cour son entrevue avec Charles IX ! Mergy peut parler du roi de France et du roi de Navarre ; il a le droit de porter le feutre, le pourpoint tailladé et la rapière : ni son costume ni son langage ne nous feront jamais sourire.

Et la reine ! Toute la grâce un peu plaintive de Marguerite, toute la mélancolie de ses jeunes ennuis est dans une seule phrase de quelques mesures : Je suis prisonnière loin du beau pays. Parle-t-elle à sa filleule la gentille tabaretière, quelle condescendance et quelle bonté : Sais-tu pas combien je l’aime ? Ici encore une modulation légère, sur laquelle en général l’artiste n’insiste pas assez, exprime par une nuance mélodique exquise, une exquise nuance de sentiment. Vais Margot avait de l’esprit aussi. Hérold le savait et nous l’a rappelé au second acte dans le trio de la reine, d’Isabelle et de Cantarelli. Impossible de nouer une intrigue avec plus de verve et d’entrain, d’intelligence et de gaîté.

Isabelle est charmante, la pauvre petite, prise dans cette cour des Valois comme une colombe dans un buisson : trop faible, trop craintive pour se défendre et se sauver elle-même. Il faut qu’on l’aide, car elle ne sait que souffrir et soupirer après ses montagnes. Thisbé de Monteliori, dans l’Escadron volant, consacre une romance en deux couplets dolens aux souvenirs de sa jeunesse, je le crois du moins, car j’ai mal entendu les paroles ; mais je donnerais ce rôle entier pour les deux premières mesures du grand air d’Isabelle : Jours de mon enfance, deux mesures qui valent tout un poème de rêverie et de regrets.

Nicette elle-même et Girot sont de gentilles figurines de second plan. Quant à l’orchestre, avec discrétion, sans faire pleuvoir partout, comme celui de M. Litolff, les accords de deux harpes sentimentales et prétentieuses, il dit son mot de temps en temps et le dit bien. Rappelez-vous le chaut de clarinette qui, dès le début de l’ouverture, s’exhale avec mélancolie ; rappelez-vous surtout le troisième acte tout entier, ce merveilleux troisième acte qu’un musicien avancé,