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LE
TESTAMENT DU DOCTEUR IRNERIUS

I.

Je ne crois pas aux revenans, et je n’ai pas le talent de découvrir des traces de sang ineffaçables sur le parquet d’une chambre depuis longtemps inhabitée. Seulement, je suis Allemand, et Nuremberg est mon pays natal.

Étant encore tout petit garçon, j’étais souvent assis, pendant les longues soirées d’hiver, sur les genoux de Linchen, notre vieille servante, qui me racontait toute sorte d’historiettes, sans oublier celle de la méchante reine avec sa pomme empoisonnée, et celle de l’ogre, de sa femme et de sa maisonnette. Pendant qu’elle parlait, les arabesques des papiers peints de la chambre se pelotonnaient, formaient des lutins bossus, difformes, et, dans le crépuscule vibrant qui envahissait la haute chambre lambrissée, je voyais tous les contes bleus de Linchen monter et descendre le long des murs.

Et puis, je naquis à Nuremberg. Là, on peut dire que les morts se promènent parmi les vivans. Cette fenêtre contournée, c’est celle par laquelle Albrecht Dürer regardait dans la rue. Ces marches creusées, crevassées, couvertes de mousse, ce sont celles que