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cette masse d’hommes était aussi mauvaise que la font ceux qui ont intérêt à le dire[1].

Au Caire sont encore concentrés aujourd’hui dans la citadelle, occupée militairement, et dans d’autres casernes, 2 bataillons d’infanterie, 1 escadron de cavalerie et 1 autre escadron, d’infanterie montée, une demi-batterie d’artillerie et une compagnie du génie.

Le veston écarlate du rigide soldat anglais a disparu d’Assouan et de Siout dans la Basse-Égypte, comme il a disparu, de Damiette et de Rosette.

La police montée et non montée parcourt les ; rues du Caire à toute heure du jour et de la nuit, autant pour empêcher les méfaits que pour protéger les soldats que le wisky égare hors de leur route. La gendarmerie, montée également, opère sur plusieurs points du Delta à la recherche de bandes de pillards. Elle n’en rencontre jamais, et l’on m’a assuré que c’était parce que gendarmes et bandits n’avaient nulle envie de se porter préjudice. Ce serait si facile de laisser comme autrefois les cheiks faire eux-mêmes la police de leurs villages ! Et le budget égyptien s’en trouverait si bien ! Mais alors qui paierait aux hommes d’armes les beaux traitemens qu’on leur sert en échange de leurs chevauchées sentimentales dans le Delta ? C’est justement à quoi ils se cramponnent, dût en périr la malheureuse Égypte.

En quel pays du monde trouver ailleurs que là des soldes si lucratives et si facilement acquises ? Et avec quelle insouciance ceux qui sont à la tête du ministère de la guerre jouent avec ce qui en est le nerf ! On en jugera bientôt.

En novembre 188(5, on eut l’idée, bonne, si le résultat en eût été satisfaisant, de vendre ce que les arsenaux contenaient d’armes prétendues inutiles, vieux canons et vieux fusils. On croyait en avoir fini avec cette ferraille, lorsqu’en juillet 1887 on annonça une nouvelle vente de dix mille fusils remington, qui, d’après le dire de personnes compétentes, n’avaient besoin que d’une légère réparation pour être utilisés. Chaque remington avait coûté à l’état 65 francs ; ils furent vendus 13 francs. Comme spéculation, cela laissait beaucoup à désirer, n’est-ce pas ? Il restait dans la citadelle du Caire des poudres dont on résolut de se défaire ; pour les remplacer par d’autres matières plus explosibles. Il est inutile de dire quels en étaient les fournisseurs. On

  1. D’après le recensement général de l’Égypte en 1884, et le relevé que j’en ai fait dans la magnifique publication de notre compatriote M. A. Doinet, chargé de la direction de ce travail, la population d’Alexandrie se composait de 181,703 habitans indigènes fixes et semi-sédentaires, et de 49, 693 étrangers. Celle du Caire se chiffrait par 353,188 habitans indigènes et semi-sédentaires, et 21,650 étrangers.