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A l’époque d’Abbas-Pacha, l’armée égyptienne possédait donc des colonels qui, sans être nés sur les bords de la Tamise, avaient de l’autorité, l’habitude du commandement, et qui faisaient bonne figure à la tête de leurs régimens. Leur solde était aussi très belle, quoique inférieure à celle dont les officiers anglais se gratifient, et cependant, sous le même vice-roi, les finances étaient prospères ; il n’y avait ni dette unifiée, ni dette privilégiée, ni dette flottante, ni d’autres que je passe. Aujourd’hui, les finances, conduites par sir Edgar Vincent, sont si peu florissantes, qu’un nouvel emprunt, ainsi que je l’avais prévu, est en voie de formation.

Les troupes que j’ai vues manœuvrer sur la place d’Abdin sont aujourd’hui mieux vêtues, mieux nourries, mieux payées qu’autrefois ; mais comment se fait-il que, commandées par des officiers de la Grande-Bretagne, elles aient pris l’habitude de se laisser battre dans la Haute-Égypte ?

Je reconnais que les colonels anglais font aussi très belle figure à la tête de leurs régimens d’occasion ; mais pourquoi, au lieu d’instruire 14,000 hommes, comme il est permis au khédive de le faire, se contentent-ils de 9,000 soldats, y compris 1,900 femmes, lesquelles, m’assure-t-on, n’ont rien de commun, pas plus au moral qu’au physique, avec les amazones des temps héroïques ? Ne craignent-ils pas d’avoir un trop grand nombre de soldats sous la main ? On m’a dit que c’était là la vraie raison de leur modestie, et j’ajoute, que c’est la crainte de voir une Égypte trop fortement constituée.

L’armée égyptienne actuelle se compose de 85 officiers et sous-officiers anglais ; 415 officiers turcs et indigènes, 8,612 sous-officiers, caporaux et soldats, et 1,931 femmes ; il y a encore, attachés à l’armée, 518 individus occupant diverses fonctions. Les femmes coûtent au budget de la guerre 180,000 francs, et les individus en question 784,000 francs, les deux annuellement.

L’effectif égyptien est formé de 2 escadrons 1/2 de cavalerie légère, 170 chameaux, 4 mulets et 2 chevaux, auxquels 206 hommes sont attachés ; 6 batteries d’artillerie, 7 bataillons d’infanterie, 3 bataillons de Soudanais, 1 bataillon de dépôt, une compagnie de discipline et 2 corps de musique.

Les Bédouins ne sont pas astreints à la conscription militaire comme les autres indigènes, mais, en cas de guerre, ils prennent part aux expéditions à titre de volontaires, et, dans ce cas, ils sont défrayés de leurs dépenses par le gouvernement. La garde des frontières et des voies de communication leur est spécialement dévolue. Ils auraient à supporter le premier choc des soldats du màhdi s’il prenait fantaisie à celui-ci d’ordonner