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et celui qui lui désobéit nous désobéit, et désobéit à Dieu et à son prophète. — Montrons à Dieu notre pénitence et renonçons à toutes les choses mauvaises et défendues, telles que les dégradantes œuvres de la chair, l’usage du vin et du tabac, le mensonge, le faux témoignage, la désobéissance envers son père et sa mère, le brigandage, la non-restitution des biens dérobés, les battemens de mains, les danses, les regards immodestes, les larmes et les lamentations au lit des morts, la calomnie et le commerce avec les femmes étrangères. Que vos femmes s’habillent avec décence et soient attentives à ne pas s’entretenir avec des inconnus. Tous ceux qui n’observeront pas ces préceptes seront châtiés conformément à la loi. — Dites vos prières aux heures prescrites. — Donnez le dixième de votre bien au prince Mansour, qui le versera dans le trésor de l’Islam. Adorez Dieu et ne vous haïssez pas les uns les autres, mais prêtez-vous assistance. »

Juste au moment où les Anglais se croyaient, grâce au prestige de leurs armes, maîtres de la Haute et Basse-Egypte, ils reçurent la stupéfiante nouvelle qu’on taillait en pièces leurs protégés, et qu’un illuminé, qui faisait un crime à ses soldats de boire des liqueurs fortes et à ses femmes de ne pas s’habiller avec décence, entendait bien mieux qu’eux ses affaires au Soudan. Ils y projetèrent une nouvelle expédition, et ce ne fut qu’en répandant l’or à profusion qu’ils parvinrent à former à cet effet une armée de 7,500 fantassins, 500 cavaliers et 24t pièces de canon. Et quelle armée ! De pauvres fellahs arrachés à leur hutte et tenus enchaînés jusqu’au jour de leur embarquement pour Souakim, un port de la Mer-Rouge. Beaucoup d’entre eux parvinrent à déserter, mais ils n’y réussirent pas tous. Le commandement de cette troupe sans cohésion fut confié à un ancien colonel des Indes, Hicks-Pacha, qui s’adjoignît 42 officiers européens. Hicks était un vaillant soldat, mais, ainsi que beaucoup d’officiers anglais, trop confiant en lui-même. Il partit donc pour Souakim comme s’il allait y combattre des Canaques d’Australie.

C’est à Souakim qu’aboutissaient alors les caravanes de Nubie, riches en ivoire et en gommes odorantes de toute sorte. L’abondance des polypiers est si grande dans les eaux qui baignent les murailles de cette malheureuse ville que les habitans décorent leurs habitations avec des rameaux de corail écarlate. Les événemens qui sont survenus au Soudan depuis cette époque en ont fait une cité ruinée et presque morte. On sait qu’elle est aujourd’hui étroitement bloquée par les derviches soudaniens, et que l’Angleterre à qui incombe sa conservation, qui craint de la voir prise d’assaut, y a envoyé du Caire trois cents soldats européens commandés par le général Grenfell.