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personnel dans toutes les branches de l’administration française a de tout temps[1] fait l’étonnement des économistes. Aussi les frais d’achat d’un cheval sont-ils six fois plus élevés en France qu’en Allemagne.

Si nous ne pouvons adopter intégralement l’organisation prussienne, il serait tout au moins rationnel de modifier l’état de choses existant et d’appliquer quelques mesures transitoires. Tout d’abord, il y aurait lieu d’aménager les dépôts de remonte existant aujourd’hui, de telle sorte qu’ils pussent conserver les jeunes chevaux pendant un an ou dix-huit mois. Certains dépôts, placés au centre des villes (Angers, Guéret, etc.) ne s’y prêtent pas, nous le savons ; il serait sans doute possible de changer leur destination, et au besoin de les vendre ou de les échanger. La recherche d’emplacemens favorables à l’établissement des jeunes chevaux ne saurait présenter de difficultés. En Italie, par exemple, le dépôt de remonte de Palmanova a pour siège les bâtimens militaires de cette ancienne place forte aujourd’hui déclassée. Les glacis et les fossés ont été transformés en prairies.

D’autre part, la diminution du nombre des comités d’achat semble s’imposer, et, pour chacun d’eux, la réduction du nombre des tournées qui parfois, dans certaines régions, majorent de 500 francs de frais le prix de chaque cheval acquis. Actuellement, ces tournées ont lieu toute l’année, bien qu’elles soient pendant quatre à cinq mois à peu près infructueuses, car les cinq sixièmes des chevaux sont achetés dans le même semestre (octobre à mai).

Enfin, la circonscription de remonte, rouage intermédiaire entre la direction des remontes et le dépôt, pourrait sans inconvénient disparaître.

Des critiques non moins fondées pourraient être formulées à l’égard de la répartition des chevaux entre les différentes armes. En prenant l’armée allemande comme terme de comparaison, un simple rapprochement de chiffres démontrera trop aisément la redoutable infériorité numérique de notre cavalerie.

L’armée française entretient un effectif total de 131,139 chevaux, tandis que l’armée allemande en compte 108,679 seulement. C’est donc une supériorité de 22,460 chevaux à notre avantage. Mais la décomposition de cet effectif est particulièrement instructive, car la cavalerie exceptée, tous les autres corps et services

  1. Le comte d’Aure écrirait en 1840 : « En Prusse, le personnel d’un haras est dans la proportion d’un à quatre, avec un établissement du même genre en France. Cela tient autant aux formes moins compliquées de l’administration qu’à l’extrême réserve que met le gouvernement prussien à confier des grades dans l’administration comme dans l’armée. » (L’Industrie chevaline, p. 372.)