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de cette institution. Malheureusement pour nous, deux entraves y mettent obstacle.

D’abord les dispositions de nos règlemens financiers interdisent aux ministres de faire directement recette des produits de leur administration. Comme le fonctionnement des dépôts de remonte allemands a pour base l’exploitation agricole de leur domaine, nos règlemens sur la comptabilité publique, — faits pour sauvegarder la dignité des agens de l’état bien plus que les intérêts budgétaires, — s’y opposent. En second lieu, nous possédons pour le service de la remonte une organisation qui comporte un personnel militaire considérable et de nombreux établissemens répartis sur tout notre territoire. Or, s’il est relativement facile de créer de toutes pièces une institution nouvelle, il l’est moins de supprimer ou de transformer un service important, ce qui ne peut avoir lieu qu’en lésant des intérêts multiples.

Il existe aujourd’hui, à l’intérieur[1] de notre territoire, dix-neuf dépôts de remonte (pourvus d’une commission d’achat), répartis entre quatre circonscriptions. Quant au personnel qui concourt au service, il comprend : 2 généraux, 20 officiers supérieurs, 50 officiers subalternes et 20 vétérinaires, les uns hors cadre, les autres détachés de leurs régimens à titre permanent, et, de plus, 46 officiers des cinq compagnies de cavaliers de remonte de l’intérieur, dont l’effectif est de 2,318 hommes. En y joignant le nombre des officiers et cavaliers détachés aux fermes hippiques du camp de Châlons, nous trouvons qu’une troupe égale à la valeur de quatre régimens de cavalerie est affectée, en France, au service de la remonte. Faut-il rappeler qu’en Allemagne le même service est pleinement assuré par un général et sept officiers, sans un seul homme de troupe ?

Nous ne saurions nous en étonner, car la surabondance du

  1. Nous négligeons dans cette étude la question de la remonte des troupes d’Afrique, qui s’opère dans des conditions spéciales. L’Algérie possède une excellente race de chevaux qui y rend les meilleurs services, mais ne remplit pas toutes les conditions requises pour la guerre en Europe. On peut appliquer au cheval arabe le jugement que portait Warnery, au XVIIIe siècle, sur les races du Midi : « Chevaux très bons pour un jour de bataille ; mais, étant tous entiers et fougueux, ils n’auraient jamais pu soutenir les grandes marches et corvées qui se sont faites dans les dernières guerres d’Allemagne. » Comme nous n’avons plus aujourd’hui de régimens de France montés en chevaux arabes, il importe, pour favoriser l’élevage algérien, de lui fournir un débouché en généralisant la mesure qui consacre des chevaux arabes castrés à la remonte des officiers d’infanterie. Le principe a été posé par Napoléon : Tous les officiers d’infanterie, les administrateurs, les officiers, sous-officiers et trompettes du train seront montés sur des chevaux taille d’éclaireurs, ce qui conservera les chevaux de taille pour la cavalerie et le » officiers d’état-major. »