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l’armée ne songe à réclamer l’achat de chevaux faits qui, nous l’avons démontré, n’existent pas et ne peuvent pas exister. Il reste à trouver maintenant le moyen d’entretenir pendant un an ou dix-huit mois ces chevaux de trois ans et demi, car il n’est pas possible d’embarrasser les corps de telles non-valeurs.

La question se pose en France, aujourd’hui, dans les termes mêmes où elle se posait en Prusse en 1820. Il est intéressant de constater que toutes les solutions expérimentées jadis par nos voisins : création de dépôts d’élevage ou de transition ; mise en dépôt des jeunes chevaux chez des propriétaires ; envoi dans les corps et constitution de petits dépôts régimentaires, ont été simultanément proposées et pour la plupart mises à l’essai. Nous ne reviendrons pas sur les argumens pour ou contre déjà exposés à propos de la Prusse, et nous croyons volontiers que les expériences tentées par cette nation pourraient suffire à fixer nos idées.

D’une part, le service de la remonte a organisé, en 1883, dans les anciennes fermes impériales du camp de Châlons, un vaste dépôt d’élevage peuplé de 1,500 à 1,800 jeunes chevaux ; d’autre part, des marchés passés avec des particuliers ont permis l’installation d’un certain nombre de petits dépôts d’élevage[1].

Les fermes hippiques de Suippes, au camp de Châlons, donnent de bons résultats, au point de vue de la préparation du jeune cheval au service du régiment ; mais l’entretien journalier du cheval, dont le régime est calqué sur celui des dépôts de remonte allemands, revient à un prix double ; de plus, le personnel, entièrement militaire, comprend 9 officiers, 8 vétérinaires et 274 hommes de troupe détachés des régimens et par conséquent distraits du service actif.

Les établissemens particuliers sont plus économiques ; un propriétaire s’engage à nourrir les chevaux pour un prix fixé par tête de cheval (1 fr. 60 en général). Il bénéficie des fumiers, et l’état n’a plus à fournir de soldats-palefreniers, ni à s’occuper de l’entretien des bâtimens ; mais il n’a que peu de garanties quant au régime des chevaux, et les résultats obtenus sont discutables.

Enfin, la proposition de former dans certaines garnisons des dépôts de jeunes chevaux dont les corps intéressés auraient la gestion est mise à l’étude.

Si l’on tient pour acquis les avantages que retire la Prusse de ses dépôts d’élevage, — et la preuve de leur importance est facile à faire, — la solution tout indiquée serait l’adoption pure et simple

  1. Le Gibaud (Charente-Inférieure), Orgeville (Eure), Bellac et Saint-Junien (Haute-Vienne), Beauval (Loir-et-Cher).