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cavalerie dans un délai rapproché, et de préparer dans le pays l’importante réserve de chevaux dont l’armée peut avoir besoin en cas de mobilisation. Il reste à souhaiter que la direction des haras ne perde jamais de vue le but qui est sa raison d’être. Qu’elle n’ait pas trop à cœur de faire naître des chevaux de course, car l’initiative privée y peut suffire aujourd’hui largement. Il est non moins essentiel que les membres de cette administration ne soient point menacés dans leur situation, comme il appert de certains projets agités devant le parlement.

En Allemagne, nous l’avons déjà dit, l’administration des haras, bien que constituant un service civil, tire de l’armée ses fonctionnaires à tous les degrés de la hiérarchie. N’y aurait-il pas lieu d’adopter cette règle ? Déjà, en 1840, le comte d’Aure demandait instamment que les officiers des haras fussent exclusivement recrutés parmi les élèves de Saumur. Il y a lieu de remarquer combien ce vœu serait d’un accomplissement plus facile à notre époque. D’une part, l’adoption du service obligatoire fait entrer dans l’armée quantité de jeunes gens qui autrefois n’eussent point songé à prendre la carrière des armes. D’autre part, aucun enseignement équestre sérieux et complet n’existe, en France, ailleurs qu’à l’école de cavalerie, où il embrasse toutes les branches de l’équitation. Depuis que les chevaux de pur sang ont été introduits à Saumur par le général Thornton et le commandant de Lignières, jadis écuyer en chef, aujourd’hui général, les succès de nos officiers sur les plus grands hippodromes ont révélé au public les immenses progrès réalisés depuis 1870 en fait d’équitation militaire. Le talent d’écuyer et l’usage du cheval, dans toutes les variétés de son emploi, sont des conditions indispensables à ceux qui seront chargés de diriger la production chevaline en vue des besoins de l’armée, — ne l’oublions pas, — aux termes de la loi du 29 mai 187â, dans sa lettre et dans son esprit.

Quant à la stabilité essentielle au bon fonctionnement de tout service public, nous souhaitons que notre administration s’inspire des exemples de l’Allemagne signalés par le baron de Cormette, directeur des haras[1] : « Il ne suffit pas, dit-il, d’avoir des connaissances théoriques et pratiques sur le cheval, il importe aussi de connaître les hommes, de mériter et d’acquérir la confiance des éleveurs, et, par l’aménité du caractère, d’entretenir de bonnes relations avec tous, ainsi qu’avec les administrations et sociétés qui s’occupent de production et d’élevage. Il faut prouver qu’on connaît bien, dans leurs moindres détails, l’origine des races de sa

  1. Rapport sur une mission hippique en Allemagne en 1883, p. 40.