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A la restauration commence l’importation suivie d’étalons et de poulinières d’Angleterre. Les Bourbons avaient pris dans l’émigration les habitudes anglaises, et les modes britanniques se répandirent dans la gentry. Au point de vue hippique, ce fut un progrès ; les procédés perfectionnés des Anglais, en matière d’hygiène et d’alimentation des chevaux, se répandirent en France. Il est à remarquer, toutefois, que la faveur dont témoignaient les princes pour les chevaux anglais créa, par esprit d’opposition, dans une partie importante du public, un courant marque d’hostilité contre le cheval de pur sang. Il semble d’ailleurs qu’à cette époque, on ait perdu de vue le but que se proposaient Colbert et ses successeurs en instituant les haras royaux : la production du cheval de guerre en France. La restauration et le gouvernement qui suivit achetèrent la plupart des chevaux de remonte en Allemagne. En même temps, la direction-générale des haras changeait constamment de fonctionnaires et de système ; la question chevaline n’étant pas vue de haut, l’unité de doctrine, la persévérance et l’esprit d’observation manquèrent à l’administration, et par suite aux particuliers. On peupla les haras d’étalons plus ou moins en rapport avec les vrais besoins du pays, mais toujours, autant que possible, suivant le goût du jour et les opinions en vogue. Faute de principes fixes, et les détails n’étant pas minutieusement soignés, les résultats n’ont jamais été en raison des espérances, ni des sacrifices, ni surtout, ce qui est encore plus déplorable, de la justesse de l’idée que l’on a suivie ou cru suivre. Aussi, un inspecteur-général des haras pouvait-il écrire[1] : « Le registre des déclarations du comité des haras, de 1806 à 1825, doit être le chaos de la science hippique. »

Cette situation s’est prolongée bien au-delà de cette dernière date ; on pourrait peut-être dire : jusqu’à nous. Non, certes, que de grands progrès n’aient été réalisés, car nombre d’hommes d’un haut mérite ont passé par l’administration des haras, en y laissant leur empreinte. Mais les améliorations n’ont jamais été en rapport avec les efforts, le savoir et l’argent dépensés. C’est donc à juste titre que le rapporteur de la loi du 29 mai 1874 disait à la tribune : « L’administration des haras, sous tous les régimes, dans tous les temps, a subi l’influence des changemens politiques et administratifs qui se sont produits dans le pays. Elle a changé presque chaque année de directeur ; en un mot, elle a subi presque toutes les influences extérieures, comme aussi toutes les influences politiques et administratives. »

  1. Comte de Montendre, Institutions hippiques, t. II, p. 6.