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besoins de la cavalerie, des dragons, de l’artillerie, des vivres et mesme de la maison du Roy, d’où il s’est ensuivi la nécessité de recevoir de toutes mains et de prendre au hasard des chevaux très médiocres pour ne pouvoir trouver mieux, et de voir sortir du royaume des sommes immenses, qui non-seulement y seroient demeurées si le royaume s’étoit trouvé peuplé de chevaux, mais qui, par une circulation nécessaire, seroient répandues en une infinité de mains et auraient maintenu les peuples dans l’abondance et dans le pouvoir d’acquitter les charges de l’Estat.

« Les gens de guerre de premier ordre et une infinité de marchands de chevaux et autres, consultés sur ce sujet, ont estimé cette évacuation à plus de 100 millions pendant les deux dernières guerres, par les remontes seulement. Ce seul objet est d’une assez grande considération pour devoir attirer l’attention de MM. les intendans, sans parler des chevaux de carrosse que l’on tire de Hollande et des Pays-Bas pour l’usage des particuliers… »

C’est de cette époque que datent les commencemens des haras du Pin en Normandie et de Pompadour en Limousin.

La production chevaline fit en France de rapides progrès, encouragés surtout par les achats des écuries du roi[1] et des princes, par la remonte de la maison du roi et des régimens. Toutefois, le partage de l’administration des haras entre le ministre de la guerre qui avait sous ses ordres les provinces frontières ; le grand-écuyer à la charge duquel appartenaient les généralités de Normandie et du Limousin ; le ministre de la cassette, chargé de vingt généralités de l’intérieur ; enfin les intendans qui dirigeaient les haras dans les reste de la France, ne se prêtait point à l’unité des vues et amenait de nombreux conflits entre autorités rivales. De plus, l’achat ou la « survivance » des charges pouvait amener aux divers emplois des hommes peu préparés. On trouve à ce sujet l’expression de nombreuses plaintes, surtout à l’approche de la révolution. Le célèbre fondateur de l’hippiatrique, Bourgelat, écrivait en 1769[2] : « Nous pourrions, au surplus, prévenir, avec quelques soins, la promptitude du déchet de l’espèce. A peine les étalons ont-ils été livrés par le département ou par le gouvernement, ou ont-ils été approuvés, qu’on les perd en quelque façon de vue ; ils sont, pour ainsi dire, livrés d’une part à l’ignorance du peuple, souvent à

  1. L’écurie royale entretenait en permanence des écuyers-courtiers dans les pays d’élevage. Tout cheval qui, après acceptation, passait au rang de cheval de tête, son dressage accompli, était classé bride d’argent et valait à l’éleveur une prime de 500 livres ; s’il avait l’honneur de passer au rang des chevaux du roi, il était dit bride d’or, et l’éleveur recevait 1,000 livres.
  2. Traité de la conformation extérieure du cheval, p. 433.