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d’Angleterre s’accentue et se généralise dans les haras particuliers comme dans ceux de l’état, à l’exclusion de tout autre. Dans le sud de l’Allemagne, au contraire, notamment en Wurtemberg et en Bavière, l’emploi du sang anglais était accueilli beaucoup moins favorablement. Nous verrons bientôt ce qu’il en coûte aujourd’hui à ces deux royaumes d’avoir tergiversé dans le choix des moyens d’améliorer les races indigènes et d’avoir méconnu l’importance de la question des remontes. Dans le nord de l’Allemagne, le cheval de pur sang anglais est resté le reproducteur par excellence, et le cheval prussien actuel, si apprécié comme monture pour la cavalerie, en est un produit de moins en moins dégradé[1], possédant de son ascendant paternel la tête fine, l’encolure longue et bien sortie, le garrot très en arrière et la ligne du dessus se rapprochant de l’horizontale ; de plus, ce cheval, grâce au mode d’élevage des dépôts de remonte, est d’un caractère facile et d’une grande douceur envers l’homme et envers ses congénères.

Toutefois, les qualités innées ou acquises du cheval de remonte de la Prusse ne se sont point manifestées pleinement et irrécusablement à l’origine, et le véritable mérite des hommes d’état de ce pays, c’est de s’être attachés avec une inaltérable persévérance à l’œuvre entreprise, sans hésitation et sans impatience. Les débuts de l’institution ne furent pas exempts de déboires : tout d’abord les chevaux indigènes manquaient, car on dut encore en faire venir de l’étranger chaque année jusqu’en 1827 ; mais le nombre de ces animaux (de remonte polonaise) allait décroissant : de 704 en 1822, il tombait à 144 en 1827, dernière année où la Prusse ait importé des chevaux de remonte. Mais il y eut encore bien d’autres causes de mécomptes. Sur sept dépôts fondés de 1821 à 1832, quatre durent être supprimés dans le même laps de temps, par suite du mauvais choix de leur emplacement, et reportés ailleurs. Dès 1837, l’organisation et le fonctionnement des dépôts de remonte étant définitivement fixés, une ordonnance datée du 18 janvier de cette année régla d’une façon précise les questions de régime et de traitement des chevaux. Ses prescriptions sont restées en vigueur.

Jusqu’en 1860, six dépôts de remonte suffirent à la Prusse ; la réorganisation de l’armée et l’augmentation qui en fut la conséquence provoquèrent la création de deux nouveaux dépôts ; les

  1. Dans ses Idées pratiques sur la cavalerie, le général de Rosenberg, qui actuellement commande la 1re division de cavalerie prussienne, s’exprime ainsi : « Quand nos chevaux auront encore plus de sang, ce que nous désirons ardemment, il faudra modifier notre Cours d’équitation… » (P. 51 de l’édition française.) Et plus loin : « D’année en année, nos chevaux de troupe ont plus de sang : ils demandent d’autant plus de soins, mais ils rendront aussi de bien meilleurs services. (P. 77.)