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faut, c’est ce qu’on peut souhaiter de mieux aux peuples et aux hommes de bonne volonté !

En attendant, tous les gouvernemens auront assez de leurs affaires. Le grand chef de l’Allemagne, celui qui conduit tout, le chancelier de Friedrichsruhe lui-même, aura de quoi s’occuper avec la politique coloniale qu’il a inaugurée, qui vient d’être le principal, sinon l’unique objet des discussions du Reichstag de Berlin depuis sa réunion. M. Windthorst et les députés du centre ont fait une proposition en faveur d’une action énergique de l’empire allemand pour la répression du trafic des esclaves sur la côte orientale d’Afrique, et le gouvernement, sans être l’auteur de la proposition, s’est hâté de l’appuyer de toutes ses forces. La motion de M. Windthorst et de ses amis n’est en apparence qu’une manifestation d’un ordre tout platonique ou humanitaire. Elle semble n’avoir d’autre objet que de revendiquer pour l’Allemagne une place, la première naturellement, parmi les puissances civilisatrices qui se donnent la mission de combattre l’esclavage en Afrique. En réalité, le gouvernement entend bien donner une sanction pratique à ces idées et se prévaloir de la promesse de concours qui lui a été faite par le Reichstag. Si le blocus maritime qu’il a organisé avec l’Angleterre ne suffit pas, il aura recours à ce qu’il a appelé le « blocus terrestre : » c’est le mot ingénieux sous lequel il déguise une intervention plus effective. Il n’avoue pas encore tout haut le projet de se substituer directement à la compagnie de colonisation de l’est africain, qui a été jusqu’ici son prête-nom, il a évidemment cette arrière-pensée. Il ne demande pas encore les crédits qui lui seront nécessaires, il prépare le parlement à les voir bientôt arriver. Le discours assez habile que le comte Herbert de Bismarck a prononcé devant le Reichstag, et où le fils semble s’être inspiré du père, laisse tout entrevoir ; mais ce qu’il y a de plus curieux, peut-être, dans ce discours, c’est le soin qu’a mis le représentant du chancelier à flatter l’Angleterre, à lui témoigner sa satisfaction pour le concours que l’Allemagne a trouvé dans le gouvernement de la reine. Après cela, on n’en est encore qu’au début de l’alliance et d’une entreprise où l’imprévu aura sûrement son rôle.

La session parlementaire unit avec l’année pour l’Angleterre. Elle avait été interrompue par l’été, elle a été reprise il y a deux mois, et dans cette seconde partie elle n’a guère été plus féconde que dans la première ; elle n’a été signalée, à part le vote du budget et de la loi assez médiocre sur le rachat des terres en Irlande, que par quelques incidens sans résultats, par quelques débats plus animés que décisifs dans les derniers jours. Le discours prononcé au nom de la reine, pour la clôture des chambres, est lui-même l’image de cette session sans éclat. Il est placide et terne. Il ne dit pas un mot de l’Irlande ; il