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non-existence d’une mer saharienne récente. Or, aujourd’hui, elle est rejetée par la plupart des géologues, qui tous ont cru devoir admettre qu’à l’exception de quelques points peu nombreux où la mer a pu pénétrer, celle-ci n’a plus recouvert le Sahara depuis l’époque tertiaire inférieure. Il en résulte que le Sahara formait déjà un continent à une époque où la mer recouvrait encore une partie de l’Europe, entre autres la plus grande partie de la Hongrie, la Valachie, le nord de l’Italie (Lombardie), la région méridionale de la France au sud de Bordeaux, la partie orientale de l’Espagne, etc.

Depuis son émersion, le Sahara a dû contenir un grand nombre de bassins lacustres, dont les dépôts ont laissé beaucoup de fossiles d’eau douce, à l’exclusion de restes organiques marins. Mais si, depuis son émersion, sa physionomie topographique n’a guère changé d’une manière essentielle, il n’en est pas de même de ses conditions climatologiques, qui ont subi des modifications importantes, même pendant l’époque historique. Or, comme de telles modifications n’ont pu avoir lieu dans le Sahara sans qu’elles se soient manifestées également dans les contrées limitrophes, nous allons jeter un coup d’œil sur ces dernières, notamment sur l’Egypte, la Syrie et l’Asie-Mineure.

Dans l’Egypte supérieure, M. Lepsius a découvert à Aïn-Setemé (à 80 kilomètres au sud d’Ouedi-Halfa), taillées dans les rochers, de nombreuses inscriptions qui donnent la hauteur des crues nilotiques pendant le règne d’Amenemha III et témoignent d’un accroissement très considérable du niveau fluvial depuis quarante siècles. L’Egypte inférieure fournit un autre exemple de ce phénomène. Strabon, en parlant de l’île d’Eléphantine, y signale un nilomètre qu’il décrit comme un puits construit en pierre de taille sur la rive du fleuve, et dans lequel sont marqués les changemens divers du niveau de ce dernier. Or, le nilomètre de Strabon ayant été retrouvé, on a pu calculer que, depuis le règne de l’empereur Septime Sévère, le niveau du Nil s’est exhaussé de 2m,11, ce qui donnerait 0m, 112 par siècle. Évidemment, d’aussi énormes crues ne pourraient s’expliquer que par un changement dans le régime pluvial de ces contrées, qui ont dû posséder autrefois une atmosphère beaucoup plus humide qu’aujourd’hui.

En Syrie et dans la Palestine, on rencontre très fréquemment de nombreuses traces d’anciennes rivières et d’irrigations artificielles qui démontrent que ces contrées avaient été jadis fortement peuplées. L’accroissement de la sécheresse atmosphérique peut être considéré également comme la cause de l’introduction tardive du chameau. Cet animal, aujourd’hui indispensable dans les