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d’Aïn-Kerma et d’Oun-el-Thour ne sont l’un et l’autre qu’à une trentaine de kilomètres, et cependant la profondeur du premier est seulement de 14 mètres et celle du second de 107m, 70. De même dans le Handa, la profondeur du puits de Nemech-Dib n’est que de 3 mètres, tandis qu’à 25 mètres de là se trouve le puits Barika, dont la profondeur est de 39m,15. A Batna et à Biskra, les sondages furent poussés jusqu’au-delà de 175 mètres de profondeur sans atteindre la nappe aquifère. Or, de semblables différences ne sont pas rares dans toute cette contrée. Elles prouvent que les couches imperméables offrent ici une variété de reliefs extraordinaire, se traduisant par de brusques bombemens et dépressions. Un autre fait intéressant observé dans les puits en Algérie, c’est la présence, à une profondeur de 75 mètres, de poissons, de crustacés et de coquilles lacustres que j’ai vus dans la magnifique collection de M. Jus, à Batna. Ils ont été fournis par le puits artésien de Mazer, tout à côté d’un dis lacs saumâtres disséminés en si grand nombre dans la contrée, entre Biskra et Tougourt. Au moment où la sonde amena ces animaux, ils étaient vivans, et M. Jus eut la curiosité de faire cuire l’un des crustacés (un crabe), qui fut trouvé d’un goût excellent. Les poissons (Saro theredon Zillii) étaient couverts de sable, mais le crabe avait sa carapace luisante et paraissait avoir vécu dans de l’eau limpide.

Parmi les puits les plus considérables du Sahara figurent au premier rang ceux de Ghadamès, qui remplissent un bassin de 25 mètres de longueur sur 15 mètres de largeur ; aussi, à l’aide de cinq ruisseaux qui en sortent, on parvient à irriguer une surface de 75 hectares.

Dans une contrée aussi dépourvue que le Sahara de précipitations aqueuses, l’origine de ses nombreux réservoirs souterrains n’est pas facile à expliquer. Selon Russegger, ce serait le Nil qui fournirait aux oasis de Khargeh, de Dakhel et de Farafrah, l’excès de ses eaux, qui s’écouleraient le long des couches légèrement inclinées, à l’ouest, tandis que les oasis de la dépression septentrionale seraient alimentées par les précipitations aqueuses des hautes plaines de la Cyrénaïque. Mais M. Zittel a réfuté cette hypothèse, incompatible d’ailleurs avec la température des sources, laquelle dépasse la moyenne annuelle de la Haute-Egypte. M. Zittel fait observer que l’affluence des eaux du Ml vers les oasis libyennes est rendue impossible par les conditions stratigraphiques, qui pourraient bien déterminer un mouvement d’eau dans la direction de l’ouest à l’est, mais non en sens opposé.

Quoi qu’il en puisse être, malgré les hypothèses variées qui ont été proposées pour expliquer l’origine des eaux souterraines du Sahara, la question n’est pas encore résolue, d’autant moins