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ce genre ont été signalés par plus d’un auteur, entre autres par Olympiodore, dont Photius a fait des extraits où il est dit : « On creuse dans les oasis du Sahara à une profondeur de 200 et même 500 palmes (de 30 à 80 mètres), d’où l’eau s’élance et déborde. »

Ce n’est pas seulement dans le Sahara que les anciens fonçaient des puits artésiens, mais aussi en Syrie, en Égypte et ailleurs ; et c’est grâce aux sources artificielles que la main de l’homme a fait jaillir que se trouvait jadis dans un état florissant la plaine aujourd’hui déserte et aride, jonchée de ruines, de Balbek et de Palmyre. Les voyageurs anglais Wood et Darwins ont découvert sous les gigantesques décombres qui masquent l’emplacement de ces splendides cités les traces des fontaines que l’homme avait creusées, les débris de ce grand système de veines et d’artères qui porta si longtemps la vie au cœur d’une contrée redevenue cadavre. Plusieurs auteurs sont même d’avis que le miracle de Moïse, faisant jaillir l’eau du rocher en le frappant de sa baguette, s’explique par la présence d’un de ces puits artésiens si répandus jadis dans les contrées de l’Orient.

Mais depuis l’invasion des barbares, parmi lesquels la race ottomane joue un rôle tristement saillant, le génie de l’homme s’est retiré de l’Orient, et, dès lors, les ruines ont remplacé les plus beaux monumens de la civilisation. Or, la France a entrepris la tâche aussi honorable que difficile de rétablir en Algérie un passé glorieux, et, en conséquence, elle s’est empressée de mettre la main à l’œuvre aussitôt que ses armes victorieuses eurent soumis à sa domination les vastes régions désertiques dont Ouargla marque l’une des extrémités méridionales. Ce fut principalement en 1856 que commencèrent les premiers travaux qui, depuis, n’ont cessé de progresser, et sans doute ne s’arrêteront pas avant que toutes les eaux souterraines susceptibles d’être mises au jour n’aient répandu leurs bienfaits et revêtu d’oasis verdoyantes les surfaces arides du désert[1].

Si les travaux exécutés par les Français ont une grande portée politique et sociale, ils offrent également une importance scientifique considérable, en révélant bien des faits fort intéressans dont je ne mentionnerai que les suivans. Dans la province de Constantine, les niveaux auxquels les eaux souterraines ont été atteintes varient de la manière la plus frappante, surtout lorsqu’on considère que ces différences se produisent sur des espaces très peu étendus. Ainsi, dans la région de l’Oued-Rir, les deux puits

  1. Dans mon livre, Espagne, Algérie et Tunisie, p. 237-240, j’ai rendu compte des travaux exécutés en Algérie jusqu’à l’époque où j’ai pu les étudier sur les lieux mêmes, en en admirant l’extension et l’habile exécution.