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limite est peu prononcée et pourrait être représentée par une ligne partant de l’embouchure du Sénégal et passant par Timbouctou, Gogo, Damergu, à travers la partie septentrionale de Kanem jusqu’à El-Dabbah et Abou-Ham. Cette ligne comprend la région où les précipitations aqueuses trop faibles empêchent le développement d’une riche végétation, et où la surface du sol est généralement composée de roches nues ou de sable. L’énorme superficie assignée au Sahara par M. Zittel représente plus de 11 millions de kilomètres carrés ; elle serait donc supérieure à celle de l’Europe, et presque la moitié de celle de l’Afrique. Elisée Reclus évalue la surface du Sahara à 6,200,000 kilomètres carrés, mais en en retranchant le Fezzan, la Tunisie, l’Algérie, le Maroc et les steppes qui longent les régions fertiles du Sahara. Pris dans de telles limites, il donne au Sahara de l’est à l’ouest, c’est-à-dire des bords du Nil à ceux de l’Atlantique, 5,000 kilomètres, et du nord au sud, c’est-à-dire du pied de l’Atlas berbère jusqu’aux cultures du Soudan, 1,500 kilomètres. Le Sahara ainsi réduit serait encore plus grand que la moitié de l’Europe et équivaudrait presque au quart de l’Afrique. Dans l’impossibilité de concilier des divergences aussi considérables, nous adopterons provisoirement l’évaluation d’Elisée Reclus, mais en comprenant l’Egypte dans le nom collectif de Sahara, parce que l’Egypte se rattache insensiblement aux vastes surfaces sablonneuses désignées par le nom de Désert libyen ; or, celui-ci touche immédiatement à la rive gauche du fleuve, qui, avec ses bords verdoyans, serpente comme une bande d’émeraude au milieu des sables du désert.

Bien que le Sahara soit loin d’être, comme on le supposait autrefois, un bassin déprimé dans son centre et revêtu d’un sol d’une nature à peu près uniforme, on peut considérer cette région comme une plaine plus ou moins unie dont l’altitude absolue n’est en moyenne que de 300 à 400 mètres, en sorte que, dans son ensemble, le Sahara représente une surface bombée dans sa partie centrale, qui va en s’abaissant dans les directions de l’ouest, de l’est et du sud et souvent du nord, où, dans la proximité de la Méditerranée, se déploient de vastes espaces dont le niveau est au-dessous de celui de la mer. Ainsi dans le Fayoum (au sud du Caire, sur la rive gauche du Nil) a été constatée une dépression de 600 kilomètres carrés, dont la profondeur maximum au-dessous du niveau du Nil est de 90m,8. De même l’oasis de Syouah[1] est de 27 mètres au-dessous du niveau de la mer, phénomène qui se reproduit dans une série d’oasis et de lacs échelonnés à l’est et au nord-est de

  1. C’est la célèbre oasis du Jupiter-Ammon, objet du pèlerinage d’Alexandre le Grand.