Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 91.djvu/173

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

procédé de MM. Berthelot et de Fleurieu, dosage de M. Maumené ou de M. Pasteur, on ne peut affirmer avec certitude que le poids de crème trouvé préexistait tel quel dans le vin ; tout au plus est-on autorisé à croire qu’en opérant toujours de même, il y a chance d’obtenir des nombres comparables. Partons du vin blanc de l’Entre-deux-mers, accusant à l’analyse deux tiers de gramme de tartre par litre seulement (cette donnée s’accorde à merveille avec le déficit d’extrait dont nous avons déjà parlé au sujet de ce même liquide) ; doublons le chiffre, et nous passons par le vieux pomard (1 gr. 30) ; doublons encore, et nous retombons dans la moyenne ordinaire des vins français (2 à 3 grammes par litre), qu’ils soient venus de la Gironde, de la Côte-d’Or ou du Languedoc. Mais l’on peut observer des valeurs bien supérieures aux nombres habituels, si l’on choisit comme exemple des échantillons des crus de Cahors, de Chagny, du Berry, des bords du Rhin ; il faut alors compter A grammes par litre. Eu égard aux conditions atmosphériques de l’année 1888, les vins de la dernière récolte se trouvent être peu alcooliques dans le Midi ; en revanche, ils contiennent et contiendront longtemps encore beaucoup de crème de tartre, dont la présence contribue à grossir l’extrait et à accroître l’acidité. Plâtré après fermentation, un vin s’appauvrit en crème de tartre, comme nous le verrons bientôt ; il est vrai que la matière en question est si abondamment répandue dans les crus du Midi qu’après le traitement au gypse, il reste encore assez de bitartrate.

Nous espérons que la lecture des pages précédentes aura suffi pour manifester clairement la variabilité des proportions volumétriques ou pondérales de chaque élément distinct. Les chiffres sont dissemblables, et, il faut bien le reconnaître, il est très difficile, même à force de restrictions, de les rendre concordans, ou, si l’on y parvient tant bien que mal, on est réduit à ne plus considérer que des cas particuliers, sans intérêt. L’on pourra dire que, pour limiter à de justes proportions une aride nomenclature, nous avons omis de parler de la glycérine et du tannin, au point de vue des proportions et du dosage. L’on ajoutera que justement la glycérine figure dans les vins à dose à peu près constante (moyenne 6 à 7 grammes par litre). Simple exception isolée, propre à confirmer la règle, répliquerons-nous[1].

On conçoit l’extrême difficulté de la tâche de l’expert chimiste chargé de constater la falsification, et qui se trouve en présence de l’énigme à résoudre, sans autres ressources que sa balance, ses

  1. Le tannin, nous l’avons déjà appris, ne se trouve dans les vins blancs qu’en bien faible quantité : il en résulte que ces liquides tournent aisément à la « graisse. » Au contraire, les vins rouges de Bordeaux doivent à l’influence d’un excès de cette matière leurs propriétés fortifiantes et astringentes.