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continuent à donner de faibles quantités de bons vins. Les produits de deux exploitations voisines ou ceux fournis par un même domaine diffèrent énormément, suivant que le propriétaire, au lieu de poursuivre toujours comme desideratum une moyenne raisonnable, s’est efforcé d’obtenir, soit beaucoup d’alcool, soit une couleur bien noire, ou a préféré bénéficier sur la quantité. Sans doute, les résultats provenant de recherches antérieures ne sont curieux qu’au point de vue rétrospectif, mais ils fourniront aux œnologues du présent ou de l’avenir de précieux renseignemens. A présent surtout que méthodes et appareils sont devenus familiers aux agronomes et négocians, chacun d’eux a besoin, pour se guider dans ses propres recherches, de documens aussi complets que possible.

« Combien de degrés pèse-t-il ? » Telle est la première question qui se pose entre deux interlocuteurs discutant la valeur commerciale d’un vin. Dans le midi de la France, et surtout à l’ouest du Rhône, tout le monde, jusqu’à l’agriculteur presque illettré, s’exprime en degrés lorsqu’il s’agit d’apprécier le titre alcoolique d’un vin plus ou moins généreux, mais très peu de personnes en comprennent au juste la définition.

Une eau-de-vie a 50 degrés, lorsque de 100 litres de cette eau-de-vie on peut extraire, au moyen des procédés qu’indique la chimie, 50 litres d’alcool pur ou « absolu. » De même lorsqu’un vin pèse 10 degrés, cela veut dire que cent volumes de ce vin renferment dix volumes d’alcool absolu (naturellement le choix de l’unité de volume est indifférent). L’alcoomètre de Gay-Lussac, usité en France et dont les pèse-esprits allemands ou russes ne sont que des modifications, plongé dans l’eau distillée, marque 0 degré, et marque 100 degrés, immergé dans l’alcool sans mélange ; lorsqu’il flotte dans un esprit quelconque ou dans du trois-six, il indique sur-le-champ, pourvu que la température ambiante soit de 15 degrés, la proportion volumétrique d’alcool ; il suffit pour cela de lire sur l’échelle en papier, à divisions très inégales, que porte l’instrument, le numéro de la division correspondante au niveau d’affleurement. Il faut du reste bien avouer que le principe de graduation de l’alcoomètre est loin d’être parfait ; l’indication que fournit l’instrument correspond à une notion abstraite et confuse. Mieux eût valu assurément disposer l’appareil de façon à lui faire indiquer le « pour cent » de l’alcool en poids, d’autant plus qu’avec 52 grammes d’alcool et 48 grammes d’eau, on obtient nécessairement 100 grammes d’eau-de-vie, tandis que, si l’on diffuse 52 volumes d’alcool dans 48 volumes d’eau, on ne réalise que 96 volumes, et il faut ajouter encore 4 volumes pour compléter la centaine. Effectivement, toutes les fois que l’on mélange l’eau et l’alcool, on constate une notable