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Les auteurs de ce procédé ont visé à la perfection théorique et l’ont presque atteinte ; ils ont complètement sacrifié la rapidité à la précision. On peut suivre fidèlement leurs recommandations dans les laboratoires des très grandes villes, parce qu’alors les experts, bien installés, bien outillés, ont à examiner un grand nombre d’échantillons suspects, et peuvent en évaporer dans le vide sec douze ou quinze à la fois ; de plus, le même traitement, s’il est bien long, n’exige pas une surveillance constante de la part de l’opérateur, qui peut vaquer librement à d’autres occupations, pourvu qu’il inspecte de temps à autre les progrès de l’évaporation.

Mais, dans le cas général, l’analyseur n’a à se préoccuper que d’un petit nombre de vins différens ; et la plupart des tribunaux de province, moins surchargés de causes que la chambre correctionnelle de Paris, s’accommodent aussi moins facilement d’expertises trop prolongées. Dans les centres moyens, le chimiste, à raison de son état ou de ses fonctions, peut être obligé de fermer son laboratoire une partie de la journée, et enfin, s’il habite une petite ville, il a toujours des étuves et un bain-marie sans disposer d’une pompe pneumatique. Pour tous ces motifs, la méthode de l’extrait à chaud, moins scientifique, est en revanche bien plus pratique, et doit être recommandée de préférence, s’il s’agit de comparer entre elles des boissons du commerce et non de les analyser rationnellement.

Vient-on à rapprocher les poids des extraits obtenus en desséchant des volumes égaux d’un même vin, d’abord à froid, puis à l’étuve, on constate que le résidu qui s’est rassemblé dans le vide est notablement plus lourd que le dépôt obtenu au moyen de la chaleur ; la différence moyenne s’élève à un cinquième environ. La raison de cet écart est bien simple : le second se compose des parties solides du vin, plus ou moins altérées dans leur essence ; le premier renferme ces mêmes manières intactes ou presque intactes. Suivant M. Gautier et la plupart des auteurs compétens, quand on analyse un échantillon de vin rouge qui n’est ni trop sucré ni trop vieux (les boissons suspectes ne se conservent pas et n’ont jamais cet inconvénient), il suffit de multiplier le poids de l’extrait obtenu au moyen du vide sec par le facteur constant 0,785, pour retrouver la valeur approchée du poids du résidu à 100 degrés. Il ne faut pas perdre de vue que s’il s’agit de dévoiler une fraude, les chiffres absolus, même précis, ne servent pas à grand’chose ; au contraire, la comparaison des nombres obtenus avec le liquide falsifié et avec un vin authentique, aussi semblable que possible au premier, permet souvent de trancher la difficulté ; les