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à l’eau, moitié sel, moitié acide, contenant de la potasse et cependant rougissant le tournesol, capable de s’unir aux bases et d’éthérifier les alcools. Il y a plusieurs siècles que les alchimistes avaient réussi à extraire ce sel incomplet du tartre brut des tonneaux ; ils l’avaient nommé « crème de tartre, » expression encore très usitée par les auteurs modernes et que nous emploierons de préférence au véritable terme scientifique : tartrate acide de potasse.


II

Il serait difficile et peut-être impossible d’estimer au juste quelle est la part d’influence qu’il convient d’attribuer à chaque acide libre, ou partiellement saturé par les bases ou alcools ; mais ce qui est certain, et ce que le chimiste peut affirmer sur la foi de l’expérience, c’est que le vin, quelles que soient sa provenance et sa qualité, est un liquide essentiellement acide. Trempez un fragment de papier bleu de tournesol dans du Marsala, du Beaune, du Château-Margaux ; immergez-le dans du vin de Narbonne ou d’Orléans ; plongez-le dans du Chablis presque blanc ou bien humectez-le avec quelques gouttes de Petit-Bouschet noir violacé, le papier rougira toujours, comme s’il eût été mouillé d’eau aiguisée d’acide sulfurique ou nitrique. Mais, ce n’est pas tout que de constater son caractère, il faut pouvoir encore l’apprécier et le mesurer. A cet effet, les chimistes versent goutte à goutte dans le vin qu’ils étudient de la potasse en solution étendue et titrée ; d’autres fois, ils recourent à la soude caustique ou carbonatée, ou bien se servent d’une eau de chaux de force connue. Il est clair que plus l’opérateur dépense de liquide avant d’arriver à neutraliser un volume donné de vin, un litre par exemple, plus ce même vin est acide. Comme les résultats qu’il s’agit d’apprécier, traduits en soude, chaux ou potasse, varieraient suivant la liqueur analytique dont le praticien a fait usage, tous les œnologues de France et de l’étranger ont adopté la règle suivante : après l’opération, ils déterminent, soit au moyen d’un calcul de proportion, soit expérimentalement, le poids d’acide sulfurique pur susceptible de neutraliser la dose d’alcali que le vin absorbe, et ils énoncent leur résultat en disant qu’un litre de tel vin équivaut comme acidité à tant de grammes d’acide sulfurique.

Comment s’aperçoit-on que le vin soumis à l’épreuve a perdu toute propriété acide, sans que le but soit dépassé et qu’il y ait excès de réactif ? Si c’est à un vin blanc que l’on a affaire, la classique teinture de tournesol, virant du rouge violacé au bleu pur, la phtaléine du phénol, d’incolore devenant tout à coup violette, peuvent servir « d’indicateurs, » et avertissent le chimiste du moment précis où la saturation exacte est atteinte. Avec un vin rouge que