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si cette matière ne nous servait pas de transition, et ne nous conduisait à parler des sucres d’abord, puis des acides.

Abstraction faite des vins doux, des muscats, pour lesquels la simple dégustation remplace l’analyse chimique et suffit à elle seule pour signaler un principe sucré, tous les vins naturels contiennent en moyenne 1 gramme par litre de « glucose » ou « sucre de fruits, » distinct du sucre de canne ou de betterave aussi bien à cause de son goût plus fade qu’à raison de sa formule ou de ses propriétés chimiques. Suivant les idées modernes, la glucose, avec ses six atomes d’oxygène, remplirait une fonction sextuple, mais mixte, et figurerait un alcool dont le caractère se répéterait cinq fois, et, en même temps, jouerait le rôle d’une aldéhyde simple. Il va sans dire que la glucose des vins préexistait telle quelle dans le suc de raisin ; le peu de sucre qui échappe à la fermentation tumultueuse s’élimine insensiblement du reste une fois que le vin est fait, de sorte que le vin, encore douceâtre lorsqu’il est jeune, acquiert de l’amertume en vieillissant[1].

Sollicités par une influence oxydante plus forte que celle qui provoque la transformation en aldéhyde, les alcools fournissent des acides. Par exemple, le vin peut s’aigrir, perdre tout son alcool et se transformer en vinaigre ou dilution aqueuse d’acide acétique. Même s’il n’est pas piqué, un vin renferme toujours une petite dose de ce même acide résultant de l’altération d’une partie de l’alcool vinique et en dérivant par la substitution définitive d’un atome d’oxygène à deux atomes d’hydrogène. L’acide se rattache plus directement encore à l’aldéhyde, mais, dans la pratique, l’évolution se fait sur-le-champ de l’alcool à l’acide, soit d’un terme extrême à l’autre. L’acide acétique n’est pas le seul acide contenu dans le vin ni même le plus important ; on peut en citer plusieurs autres : l’acide succinique, ainsi nommé parce qu’il a été tout d’abord préparé avec le succin ou ambre jaune, qui prend naissance comme produit secondaire de la fermentation alcoolique en même temps que la glycérine ; et même, d’après M. Pasteur, le rapport pondéral de ces deux principes ne varie qu’entre des limites assez étroites ; l’acide malique, très abondant dans le jus des pommes (malum, en latin), communiquant au cidre son goût spécial, et dont le suc de raisin et le vin présentent quelques traces ; enfin, le plus important de tous est sans contredit l’acide tartrique, rattaché naturellement aux deux précédens par sa structure chimique, et, partiellement saturé de potasse ou de chaux, constituant la majeure partie

  1. Ici nous ne distinguons pas de la glucose la variété de sucre appelée « lévulose, » qui, au point de vue chimique, diffère à peine de la vraie glucose.