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terme suivant : l’alcool amylique, plus connu sous le nom « d’huile de pommes de terre. » Mais à mesure que l’on s’élève d’un terme au suivant, les résultats de l’analyse s’affaiblissent par degrés, et quand le chimiste passe de la recherche de l’alcool amylique à celle de l’alcool œnanthylique, tout au plus parvient-il à suspecter de simples traces.

Qu’on s’imagine les trois carbones et les huit hydrogènes de l’alcool propylique associés, non plus à un seul atome, mais à trois atomes d’oxygène, et l’on aura formulé la glycérine, découverte au siècle dernier par Scheele, et dont les usages en parfumerie sont très connus. D’après une théorie acceptée aujourd’hui par l’unanimité des savans, la glycérine est bel et bien une sorte d’alcool à triple fonction, à triple rôle. Sa présence dans le vin est d’autant moins surprenante que toutes les fois qu’un liquide sucré est soumis à la fermentation, il se produit invariablement un peu de glycérine, et non pas seulement, comme on le croyait jadis, de l’alcool accompagné de gaz carbonique qui se dissipe dans l’atmosphère. La proportion de glycérine contenue dans le vin n’est pas négligeable : on n’apprendra peut-être pas sans étonnement que cette matière suit immédiatement, par ordre d’importance, l’eau et l’alcool ordinaire (ou éthylique). Cette circonstance étant notée, on sera bien plus surpris encore de savoir qu’avant M. Pasteur, on ignorait complètement la présence de la glycérine dans les vins. Pourtant le rôle de cette substance n’est pas négligeable : 7 grammes par litre suffisent pour contribuer à donner au liquide la saveur « vineuse » moins facile à définir qu’à apprécier ; et M. Pasteur lui-même, en mêlant à une quantité convenable d’eau de l’alcool, de la glycérine, de l’acide tartrique en justes proportions, a réussi à créer de toutes pièces, non pas une sorte d’eau-de-vie très faible, mais une composition se rapprochant assez comme goût du vin proprement dit, sans en avoir, bien entendu, toutes les qualités.

Lorsqu’un alcool est soumis aux agens d’oxydation, sa molécule subit une transformation profonde, même dans le cas où l’influence n’aura pas atteint une intensité très vive. Deux atomes d’hydrogène quittent l’association, et l’alcool passe à l’état d’aldéhyde (ce terme signifie : alcool déshydrogéné). Le vin qui se forme au contact de l’atmosphère, et qui jamais n’est parfaitement garanti de l’influence oxydante de l’air, doit a priori renfermer et renferme, en effet, des traces d’aldéhyde vinique résultant de l’altération de l’alcool[1]. Nous ne mentionnerions pas la présence de l’aldéhyde,

  1. Constitution chimique de l’aldéhyde : un atome d’oxygène, deux atomes de carbone, quatre d’hydrogène.