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— « J’ai vu l’empereur à son bal, répondait lord Cowley ; il m’a paru fort abattu. Il est poussé à la guerre par la pensée qu’en se luisant le champion des révolutionnaires italiens, il les désarmera. Cavour exploite ce sentiment. »

L’Angleterre ne négligea aucun effort pour empêcher la lutte ; elle envoya lord Cowley à Vienne pour chercher les bases d’un accommodement ; aussi, lorsque la guerre éclata malgré ses remontrances, prit-elle diplomatiquement fait et cause contre nous.

La chute du ministère Derby, dont l’accord secret avec le cabinet de Berlin, en vue d’une médiation armée, se révélait chaque jour davantage, arriva fort à propos pour calmer, comme par enchantement, les velléités belliqueuses de la cour de Prusse. L’avènement de lord Palmerston et de lord John Russell changeait la face des choses. La Russie, redoutant un rapprochement intime entre la France et l’Angleterre, accentua de plus en plus son intervention diplomatique en Allemagne, et le cabinet de Berlin, ne pouvant plus compter sur les Anglais, céda à de salutaires réflexions.

Lorsque le 5 juillet, au retour de sa décevante mission à Pétersbourg, le prince Windischgraetz arrivait à Berlin pour mettre la Prusse en demeure de remplir ses devoirs fédéraux et d’opérer une diversion sur le Rhin, il n’était plus temps. Il eut beau annoncer que l’armée autrichienne, renforcée de 60,000 hommes, allait reprendre l’offensive, et faire miroiter aux yeux du prince-régent la parité à la diète et le commandement des armées fédérales, l’occasion était passée. Les alliances ne se contractent pas au lendemain des défaites. D’ailleurs, le prix qu’on offrait à la Prusse pour payer son intervention militaire n’était pas jugé assez rémunérateur. La parité à la diète de Francfort ne suffirait pas au cabinet de Berlin ; il briguait en Allemagne l’hégémonie que l’Autriche ne pouvait lui abandonner. Aussi l’attitude de la Prusse devenait-elle de jour en jour moins menaçante. Elle s’efforçait d’atténuer la portée de ses préparatifs et de nous donner le change sur les arrière-pensées de sa politique ; elle répudiait toute solidarité avec le cabinet de Vienne et se faisait un mérite des refus opposés aux instances de l’envoyé autrichien. — « J’ai eu aujourd’hui, écrivait M. de Moustier, un long entretien avec M. de Schleinitz ; il m’a donné des assurances très explicites sur le caractère purement défensif des arméniens de la Prusse, sur la volonté du gouvernement de Son Altesse royale de ne céder en rien aux insinuations du prince Windischgraetz et sur les garanties que nous devrons trouver, en ce qui concerne le prince-régent, dans l’entente qu’il cherchait à concerter avec la Russie et l’Angleterre. Le gouvernement prussien, m’a-t-il dit, fait tous ses efforts pour ralentir les ardeurs militaires, si bien que le mouvement général des troupes vers le Rhin, fixé au 10 juillet,