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rains et cabinets semblent être au repos. L’empereur François-Joseph vient de célébrer, dans le recueillement et la solitude de Miramar, le quarantième anniversaire de son avènement, pour lequel il n’a voulu ni pompes ni fêtes. L’empereur Guillaume II soigne des indispositions importunes à sa jeunesse, et n’a pas fait de discours depuis l’ouverture du Reichstag. C’est à peine s’il y a, — comme un écho ou une suite des polémiques d’hier, — quelques querelles entre journaux allemands et journaux autrichiens, les uns accusant l’Allemagne d’abuser de sa prépotence, les autres accusant l’Autriche d’être une alliée douteuse : simples disputes de journaux auxquelles les gouvernemens restent étrangers. Pour le moment, s’il y a des affaires, elles sont au loin, sur la côte de Zanzibar, ou aux abords du Soudan, à Souakim, ou peut-être en Perse ; sur notre vieux continent, il y a quelque semblant de répit. Ce n’est point à la vérité qu’on puisse absolument s’y fier et que l’état de l’Europe ait changé, que les suspicions, les menaces aient disparu. Tout ce qui existe depuis longtemps n’a pas cessé d’exister, et, à l’heure qu’il est, il n’y a pas en Europe un parlement dont les délibérations, toutes pacifiques qu’elles paraissent, ne rappellent aux nations ce que coûtent les guerres en perspective, même les alliances,

lis sont tous à l’œuvre, également pressés de développer des forces militaires qu’on leur représente comme nécessaires, également embarrassés pour mettre sans cesse à contribution des nations épuisées. Le parlement italien se partage entre deux commissions, l’une qui ne demande pas mieux que d’accorder tous les armemens qu’on lui réclame pour suffire au grand rôle rêvé par l’Italie, — l’autre qui trouve dur d’établir des décimes extraordinaires sur la propriété, d’infliger de nouveaux impôts à un pays déjà éprouvé par une crise économique, de plus en plus aiguë. Le parlement autrichien, en votant les lois militaires qu’un lui a proposées, est bien obligé d’accorder les moyens financiers, impôts ou emprunts, pour appliquer ces lois. Le parlement allemand, qui a déjà tant voté, vote encore au moment présent de nouveaux crédits pour la marine, pour l’armée, et la discussion du budget, qui occupe depuis quelques jours le Reichstag, n’a pas laissé d’avoir son importance. M. de Bismarck, toujours absent, toujours enfermé à Friedrichsruhe, n’a pas parlé ; mais un des épisodes les plus curieux de ces débats est peut-être un discours qu’un député socialiste, M. Liebknecht, a prononcé, que le secrétaire d’état, M. de Bœtticher, et le président de la commission du budget, M. de Bennigsen, ont jugé assez sérieux pour le relever. Il a bien, après tout, son intérêt, ce discours d’un irrégulier de la politique. M. Liebknecht a, bien entendu, revendiqué pour les socialistes le droit d’être aussi Allemands, aussi patriotes, aussi disposés à défendre leur pays, même par les armes, que d’autres. Il n’a cependant pas craint