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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 décembre.

Plus d’une fois sans doute, depuis qu’elle est entrée dans la carrière des révolutions, la France a passé par des crises redoutables ; jamais peut-être, si ce n’est à certaines heures du Directoire, dont le souvenir revient obstinément à l’esprit, elle ne s’est trouvée dans une situation aussi étrange que celle d’aujourd’hui, avec des pouvoirs plus décriés, des institutions plus contestées et un avenir plus douteux. Elle en est venue à ne plus croire ni à un gouvernement qui livre toutes les garanties d’une société régulière, à commencer par la constitution, ni à une chambre visiblement impuissante, occupée à se débattre dans ses contradictions, ni à un régime que ses défenseurs eux-mêmes déchirent ou avilissent. On sent que c’est une situation qui s’épuise, qu’il y a quelque chose qui finit. Et plus on va, plus la crise s’aggrave ou se complique, parce que tout dépérit, parce que le pays désabusé, fatigué de ceux qui perdent tout et de ceux qui laissent tout faire, se sent placé de plus en plus entre l’anarchie des manifestations ou des agitations radicales et l’éternelle, la vaine illusion de la dictature réparatrice. Que voulez-vous qu’il fasse, ce malheureux pays, laissé sans direction et sans guide entre les processions révolutionnaires à travers Paris et les programmes captieux d’un officier de fortune qui n’a eu qu’à promettre un changement pour se faire une popularité ? C’est pourtant, à l’heure où nous sommes, toute la question, résumée dans ce double incident de la procession parisienne du 2 décembre et du banquet boulangiste de Nevers.

n’y a que quelques jours, Paris a vu, en effet, passer cette manifestation qui, à la vérité, a été vite oubliée, et qui ne reste pas moins le signe d’un étrange état d’esprit, d’une situation assez extraordinaire, on en conviendra. Le conseil municipal a eu ce qu’il voulait ; il