Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 90.djvu/942

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pays une place tellement considérable que d’exiger de nous une attention de plus de cinq cents pages. Contentons-nous donc de noter, pour les lecteurs qui penseraient autrement que nous sur ce point, que d’ailleurs le livre de M. L’abbé Vidieu est d’une lecture facile, et que l’illustration, comme aussi l’impression, en est digne de la maison Didot.

Au contraire, ce n’est pas seulement de feuilleter, mais de lire le livre de MM. J. et Edmond de Goncourt sur la Société française pendant la Révolution[1], que nous donnerions le conseil, si le livre ne datait déjà de plus d’un quart de siècle, et si, depuis longtemps, quiconque s’intéresse à l’histoire des mœurs sous la révolution ne savait ce qu’il doit à MM. de Goncourt. Avec la Femme au XVIIIe siècle, celui-ci est assurément l’un des meilleurs livres des deux frères, pour l’abondance et la précision des détails, pour l’intérêt historique et psychologique à la fois du sujet, pour l’habileté tout à fait « artiste » de l’exécution ; — et nous le répétons d’autant plus volontiers que nous aimons moins la Faustin ou les Frères Zemganno. On ne pouvait donc choisir, pour l’illustrer d’une façon piquante et instructive à la fois, un texte qui lui-même rivalisât mieux avec l’image de précision et de netteté, d’animation et dévie. Rigoureusement authentique, empruntée tout entière aux tableaux, gravures, aquarelles du temps, l’illustration de la Société française pendant la Révolution, en faisant revivre aux yeux ces mœurs encore si voisines de nous et pourtant déjà si lointaines, prouve surtout avec quelle justesse MM. de Goncourt les avaient autrefois décrites et rendues. Mais comment les éditeurs de ce beau livre, l’un des plus beaux que l’on nous ait donnés cette année, ont-ils eu l’idée de l’envelopper d’une si laide couverture ? et comment M. de Goncourt a-t-il pu l’en laisser affubler ?

On raconte que le vénérable M. de Sacy, — je l’appelle vénérable pour les beaux livres qu’il a possédés, — quand il voulait relire un sermon de Massillon ou de Bourdaloue, raffinait sur son plaisir, et attendait que le retour de la Sexagésime, ou de l’Assomption, par exemple, lui permît de faire en même temps les affaires de son salut et celles de son goût littéraire. C’est un plaisir du même genre que pourront se donner l’année prochaine les lecteurs du très beau volume de M. Hippolyte Gautier : l’An 1789[2]. Aidés du texte et de l’illustration, sans bouger de chez eux, ils se rendront donc, le 4 mai 1889, en procession solennelle à Saint-Louis de Versailles ; le 14 juillet, ils prendront la Bastille ; le 4 août, ils se réveilleront, entre une heure et deux du matin, pour voter l’abolition des privilèges ; le 9 novembre, ils s’installeront, avec l’Assemblée nationale, dans la salle du Manège.

  1. Quantin, 1 vol. in-4o.
  2. Delagrave, 1 vol. in-4o