Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 90.djvu/80

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le 25, dans la soirée, le général Herbillon a fait sommer Zaatcha de se rendre ; la réponse est venue, négative, dédaigneuse, hautaine. La nuit n’a été troublée que par quelques coups de canon, tirés sur les brèches. Le 26, à sept heures du matin, les troupes ont pris leurs formations de combat ; à huit heures, le général Herbillon est averti par un signal que le commandant Bourbaki est à son poste ; le clairon sonne; les sapeurs renversent à droite et à gauche les caisses de biscuit qui masquent les têtes de sape ; les colonnes débouchent : c’est l’assaut.

Canrobert vient de haranguer ses hommes : « Eh bien ! zouaves, ce n’est pas une bicoque comme celle-là qui arrêtera des guerriers comme vous! Il faut la prendre, entendez-vous? ou y rester tous. Tambours, clairons, la charge! Bonne chance, mes amis, et en avant! » Le colonel est devant tous; il a choisi pour l’accompagner à officiers de différentes armes et 15 zouaves. La brèche est franchie ; de toutes les terrasses, de tous les créneaux viennent les balles ; les morts, les blessés tombent ; le commandant de Lorencez est atteint dans le flanc ; n’importe, Canrobert marche toujours ; il ne s’arrête que lorsqu’il a donné la main à Lourmel blessé et à Barral. Alors il regarde autour de lui ; de ses 4 officiers et de ses 15 hommes, deux seulement sont sans blessure ; le capitaine Toussaint, le sous-lieutenant Rosetti, tous deux des spahis, ont été tués; le capitaine Besson, de l’état-major, le lieutenant de Chard, des zouaves, sont blessés.

Il est neuf heures; les trois colonnes se sont rejointes au cœur de la place; néanmoins rien n’est fini. Refoulés d’une moitié de la ville, les ksouriens se sont concentrés dans l’autre. Chaque maison est un réduit dont il faut faire le siège, qu’il faut saper ou pétarder. Les hommes qui du haut des terrasses ont sauté dans les cours intérieures n’en sont pas revenus. On chemine pas à pas, dans la fumée, dans le feu, dans le sang. En avant de l’unique porte du ksar s’élève une maison plus haute que les autres ; ce n’est pas celle de Bon-Ziane, qui est au centre et d’où il a pu sortir; mais c’est la maison où il s’est retranché avec sa famille, le marabout Si-Moussa et les plus déterminas de ses fidèles. Les zouaves du 2e bataillon viennent à l’attaque, conduits par le commandant de Lavarande. La porte résiste aux coups de crosse ; on amène un obusier : elle résiste ; cependant les zouaves, les servans tombent sous le feu de la terrasse supérieure et des créneaux. On appelle les sapeurs ; l’un d’eux apporte un sac de poudre, d’autres des sacs à terre pour contre-buter le premier ; la plupart sont tués ou blessés; enfin, un sergent met le feu à la mèche. Quand le nuage de poussière et de fumée produit par l’explosion s’éclaircit, on aperçoit la maison éventrée, béante. Les zouaves s’y précipitent; tout ce qu’ils rencontrent est passé par les armes.